Avec un format jamais utilisé en BD, la fresque, Joe Sacco profite du centenaire de la Première Guerre mondiale pour marquer le neuvième art de façon magistrale ! Lui qui s’est fait un nom dans le BD reportage, quitte cette fois l’époque contemporaine pour partir un siècle plus tôt nous montrer la der des der comme on ne l’avait jamais vue.
Sa BD se démarque d’abord par son format : une fresque de 7 mètres de long qui brave tous les défis de perspective pour narrer l’ouverture d’une des batailles les plus meurtrières de l’Histoire. Ce sont vingt-quatre heures et plusieurs kilomètres qui sont représentés sans qu’on soit perdu dans la lecture. Mais loin de se contenter de cet exploit, Sacco développe la narration particulière qu’est la fresque.
Point de héros, ni même de personnage à suivre. Le lecteur se retrouve dans la position du simple observateur. L’oeil, pour suivre le déroulement du temps, ne peut se fixer qu’aux différentes lignes de fuite qui entrent et sortent du cadre formé par cette fresque. Ces lignes sont un des points les plus intéressants parmi les nombreux atouts de cette œuvre.
Ce sont d’abord des hommes qui les constituent : ils entrent dans le cadre tout de suite après le général à l’origine de cette bataille. On les observe remonter vers la ligne du front puis, juste avant le début de la bataille, ce sont les explosions qui prennent le devant. Elles occupent la narration et la guide, devenant l’élément central de cette l’histoire. Elles vont désormais raconter la bataille jusqu’à qu’elles quittent, difficilement, le champ visuel. Le regard n’est ensuite plus porté que par les blessés, les tombes creusées et, les colonnes des nouveaux arrivants sur le front.
Il s’agit ici d’un projet hors norme qui répond d’une manière unique à la question de la représentation de l’horreur de la guerre.