Joe Sacco raconte cette journée, en une fresque muette de près de 7 mètres de long, qui est présentée en un livre accordéon. Un livret l’accompagne avec les commentaires de l’auteur, qui explique heure par heure, le déroulement de ce jour tragiquement historique. Hanté par la Première Guerre mondiale depuis l’enfance, mais accaparé dans sa carrière journalistique par d’autres conflits plus récents, et considérant que Jacques Tardi avait traité le sujet de façon définitive avec La Guerre des tranchées, Sacco ne s’est jamais imaginé dessiner sur le sujet. En octobre 2011, à la demande d’un ami éditeur new-yorkais, il y réfléchit pourtant. Il décide de se concentrer sur le premier jour de la bataille de la Somme, car c’est à partir de ce jour-là que l’homme du peuple a pris conscience de la véritable nature de la guerre moderne.
Joe Sacco fait le choix de s’inspirer de la Tapisserie de Bayeux, joyau de l’art médiéval, qui raconte l’histoire de l’invasion de l’Angleterre par les Normands. Il peut donc montrer ce qui s’est passé ce jour-là, sans avoir recours à aucun commentaire.
Le déroulé des événements parle de lui-même quant aux responsabilités du haut-commandement, et le sacrifice des soldats. S’il représente ce premier jour de la bataille de la Somme du seul point de vue britannique, c’est que les documents, les écrits militaires anglo-saxons et les histoires relatives aux Anglais lui sont les plus familiers, ce sont ceux qui ont imprégné sa conscience. Une oeuvre surprenante, tant par sa forme que son fond et son traitement graphique En effet, Joe Sacco donne ici un dessin compact et fouillé, ne négligeant aucun détail, ignorant délibérément perspectives et proportions réalistes. Il réalise une peinture miniature comme une image d’Épinal.