ZOO

Polar et BD noire - l'héritage de quat’sous

Longtemps adressée aux enfants, la bande dessinée, qu’elle soit américaine, asiatique ou européenne a longtemps eu interdiction d’évoquer des thèmes sujets à « démoraliser la jeunesse ». Pourtant, le polar en BD est aujourd’hui l’un des genres les plus représentés et les plus populaires. Et il a depuis longtemps cessé d’être innocent. Retour sur son émergence.

La tradition et l’habitude

Pendant la première moitié du XXe siècle, le roman noir ou policier n’est considéré ni par ses lecteurs, ni par ses éditeurs, ni même par ses auteurs. Le polar est un genre mineur, à quat’sous, qui sert surtout à faire passer le temps. Ce n’est qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale qu’une nouvelle génération d’auteurs américains revitalise le genre et lui donne ses premières lettres de noblesse. En l’inscrivant dans la réalité sociale la plus déprimante : celle des bas-fonds, des pauvres, des alcooliques et des désespérés.

La Position du tireur couché

La tradition de l’adaptation

Puis un jour, cette chronique sociale se fait militante. Les années 70 voient la création du néo-polar français qui confine alors au récit noir. Incarné par les romanciers Léo Malet ou Jean-Patrick Manchette, son enjeu n’est alors plus seulement de jouer avec l’esprit du lecteur pour trouver un meurtrier mais de révéler les balafres de notre société. Et alors, un jeune auteur connu pour la qualité de ses ambiances froides et tristes, Jacques Tardi, adapte pour la première fois Nestor Burma en BD...

Brouillard au Pont de Tolbiac sort en 1982 et aura une influence durable. Si son style graphique est trop reconnaissable pour faire beaucoup d’émules, c’est sa narration et ses ambiances qui marqueront les esprits. En laissant une large place à l’introspection grâce au récit à la première personne, Tardi nous met au plus près de ce que traverse Nestor Burma, archétype du détective privé en imper’ épuisé par la vie. Un voyage dans le brouillard, la grisaille des faubourgs parisiens, la misère qui poisse. Un manuel de la BD noire.

Depuis Brouillard au pont de Tolbiac, presque toute l’œuvre de Léo Malet a connu, avec plus ou moins de bonheur, son adaptation en bulles. Parfois dans des styles éloignés de celui de Tardi. Par ailleurs, le succès des adaptations de titres connus ne se dément toujours pas, en témoigne la création en 2008 d’une collection dédiée au genre : Rivages/Casterman/Noir. Heureusement, il y a de quoi faire : de plus en plus de romans noirs américains et scandinaves sont aujourd’hui dessinés en Europe de l’Ouest.

L’Habitude de la série

Mais les adaptations ne sont pas les seuls avatars de la BD noire. À l’origine, il n’y avait d’ailleurs pas de BD noire, seulement des récits policiers mis en cases. Mais si l’on en trouve bien avant les années 40 aux États-Unis, ils seront mis à mal par l’arrivée du Comics Code en 1954. Et en France, la loi de 1949 sur les publications à destination de la jeunesse bloquera l’émergence de BD noires jusqu’aux années 70…

Le Dahlia Noir

Des personnages d’enquêteurs vertueux apparaissent, bien loin des canons du roman policier très noir qui se développe en parallèle. 1956 voit par exemple la naissance de Gil Jourdan, un détective privé à l’âme de boy-scout aux aventures humoristiques et respectant la bonne moralité de l’époque (Gil ne prend pas de popaïne). Cette tendance se poursuivra pendant plusieurs années : les récits policiers se mêlent aux récits d’aventures et ne s’intéressent pas à la marginalité, Ric Hochet incarnant cette tendance à l’extrême.

Le tournant a lieu dans les années 70, non seulement grâce au renouveau de la littérature policière mais surtout, grâce à l’émergence en France d’une bande dessinée destinée à un public mature. C’est donc en partie dans les pages de Pilote ou À suivre qu’émergent de nouvelles séries. Même les séries tout public s’intéressent à leur tour à leur environnement socio-économique et aux personnages complexes : Jérome K. Jérome Bloche naît ainsi en 1974. Aujourd’hui encore, la série noire policière reste très présente, incarnée Blacksad ou Soda entre autres.

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants