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Millenium - Des deux côtés de l'Océan

Une histoire suédoise

Croquer les personnages


© Vertigo 2015 DC Comics

Denise Mina et Sylvain Runberg ont bien évidemment donné aux personnages les mêmes rôles que ceux qu’ils occupent dans le livre, malgré quelques petites variations dans la version européenne. Leurs personnalités sont presque semblables, ils ont la même vie, la même histoire. Mais il y a toujours une part d’interprétation de la part du scénariste. Surtout pour les personnages secondaires, moins détaillés que Mikael Blomkvist ou Lisbeth Salander dans l’oeuvre de Stieg Larsson, et donc plus ouverts à l’interprétation….

On peut toutefois trouver quelques différences chez les personnages principaux : Lisbeth paraît un tout petit peu plus ironique dans la version US, Blomkvist est décrit un peu plus « héroïquement », mais ce sont des détails à la marge. C’est le premier cercle des personnages secondaires, ceux qui font avancer l’intrigue, qui montre le plus grand écart d’interprétation. Deux personnages du premier tome l’illustrent bien : Cecilia Vanger et Nils Bjurman.

 

Vertigo 2015 DC Comics

© Vertigo 2015 DC Comics

Chez Sylvain Runberg, Cécilia se présente d’entrée de jeu comme une femme libre, parfaitement heureuse en surface, plutôt aventureuse. On le voit surtout lorsqu’elle aborde Mikael Blomkvist lors de leur première rencontre, qui prend moins d’une page pour les amener au lit. Chez Denise Mina en revanche, elle paraît plus soucieuse, tout aussi libre et forte tête mais moins détendue. En témoignent surtout des préliminaires verbaux plus longs et poussés lors de cette même conversation !

C’est surtout le personnage de Nils Bjurman qui s’en trouve le plus transformé. Le tuteur sadique de Lisbeth Salander paraît plus âgé chez Runberg, plus pervers aussi, faussement doucereux et un peu plus lâche que son alter ego version US. Il y apparaît plus jeune, mais aussi plus agressif et plus explicitement misogyne quand celui de Sylvain Runberg s’abrite plus volontiers derrière sa lâcheté et une façon d’être plus paternaliste. Un beau salaud dans les deux cas.

Les voies de l’intrigue

Mais c’est finalement dans le choix des événements racontés et de la façon de le faire que les deux démarches d’adaptations se séparent vraiment. Denise Mina fait le choix de n’en laisser presque aucun de côté. Lorsqu’ils sont adaptés, les évènements sont présentés dans leur intégralité et la façon de les raconter n’évolue que peu par rapport aux livres de Stieg Larsson. Cependant, les événements racontés uniquement en dialogues dans le livre sont, chez elle, montrés plutôt que narrés par un personnage.

© Vertigo 2015 DC Comics

À l’inverse, Sylvain Runberg a fait le choix d’une adaptation plus personnelle, et peut-être moins accessible à ceux qui n’ont pas lu les livres ou vu les films. Certains événements sont occultés, d’autres sont modifiés et on trouve même plusieurs scènes totalement inédites qui vont légèrement modifier le scénario. Cette différence de choix, qui montre une certaine prise de risque, est aussi liée au fait que Sylvain Runberg dit avoir eu une liberté totale de création, laissée tant par son éditeur que par les héritiers de Stieg Larsson.

Alors, y a-t-il une meilleure version que l’autre ? Non. Elles sont très différentes et ne plaisent sans doute pas exactement aux mêmes publics. Pourtant, elles sont complémentaires. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut voir deux écoles de scénario et de dessin de BD s’emparer d’un même scénario. La même tension s’exerce toujours sur le lecteur. Seulement pas aux mêmes endroits.

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