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D'un ennemi à l'autre

En ce printemps, deux albums viennent confronter les États-Unis à leur face sombre de la Seconde Guerre mondiale. Nous étions les ennemis narre l’enferment sur le sol américain de ceux désignés comme l’ennemi intérieur tandis que La Bombe revient de manière très complète sur la genèse et l’usage de l’arme nucléaire. Leur point commun ? L’ennemi désigné : le Japon.

Le 7 décembre 1941, l’attaque du Japon contre la base américaine de Pearl Harbor fait entrer les États-Unis en guerre. Deux objectifs s’affirmeront : venger l’attaque surprise nippone et défaire le joug nazi pesant sur l’Europe.


L’HORREUR EN RÉPONSE À LA PEUR

Georges Takei, célèbre acteur de Star Trek, a vécu cette vengeance qu’il a racontée dans une autobiographie. Son père était un immigré japonais, sa mère née sur le sol américain de parents japonais. Adapté en BD, son récit détaille comment sa famille et lui furent envoyés en camp d’internement sans procès. Pour le seul motif de leurs origines, par essence traîtresses aux yeux des politiciens américains de l’époque.


Pris par un flot d’émotions, le lecteur compare et questionne la situation dans les pas du narrateur. Autres camps, autres spoliations, celles des juifs d’Europe avec des similitudes glaçantes. La différence ? Un reste de vaillance démocratique à l’Ouest pour assurer la survie des personnes internées.

À ce récit émouvant d’une enfance dans les camps répond l’œuvre ultra-documentée et d’une froideur pétrifiante, La Bombe. Le dessin de Denis Rodier, dans un noir et blanc très brut, crée la distance nécessaire pour narrer la création de la bombe atomique. L’Uranium devient un personnage glaçant auquel fait face l’humanité des personnages japonais, inventés par les scénaristes. Ces victimes potentielles suivent le lecteur tout au long de quasiment 500 pages, symbolisant l’humanité ravagée à Hiroshima puis Nagasaki. La Bombe dévoile également les hommes qui ont voulu ce carnage, dont le dessin montre le tourbillon horrifique.



75 ans après l’explosion de la bombe, ces deux regards, l’un analytique, l’autre autobiographique, viennent rappeler que la propreté de la guerre est un concept difficile à soutenir. Deux livres pour éviter que la tentation de désigner un ennemi intérieur et extérieur ne soit trop forte au présent.


Article publié dans le ZOO N°76 - Mars - Avril 2020

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