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Osamu Tezuka, le garde à vous du petit soldat

Ces dernières années ont été propices aux rééditions d’œuvres majeures d’Osamu Tezuka. C’est l’éclectique maison d’édition FLBLB qui s’y colle à son tour avec Debout l’humanité! et Avaler la terre.

Osamu Tezuka, 1928-1989, est unanimement qualifié de Dieu du Manga. Il manque à la traduction française les nuances polythéistes de la formulation originelle qui implique non pas une perfection totale, mais plutôt l’accès à un panthéon sacré. L’auteur n’est en effet pas exempt de défauts. Sa constante quête d’amélioration sera parfois noyée dans la masse de récits alimentaires anecdotiques dans lesquels certains réflexes scénaristiques resteront engoncés dans des carcans rétrogrades. C’est son évolution qui intensifie les sommets qu’on reconnaît l’avoir vu atteindre. Toute sa carrière, telle qu’on peut la percevoir en France, est une lente maturation, un affinage conscient de thème et d’ambiances. Flblb apporte une nouvelle pierre à l’édifice de notre compréhension grâce à deux rééditions de récits complets. Datés de la fin des années 60, ceux-ci marquent sa tentative d’équilibrer caricature et tragédie en proportions bien différentes.


REMISE EN CAUSE DE L’HUMANITÉ

La période n’est pas à l’optimisme. L’auteur subit des volés de critiques, sa remise en question sera sombre et cynique. Si ses précédentes séries étaient loin d’être exemptes de tourments, l’ennemi se fait ici plus concret. L’auteur, dont on décrit le trait comme rond et élastique, est déjà à l’époque un habitué du drame. Il finit de s’extraire des oripeaux stylistiques de l’enfance qui lui collent à la peau. Ses héros n’en sont plus. Pétris de désirs bassement matériels, c’est en les assumant pleinement, en les martelant, en les déployant, en les amplifiant, qu’ils échappent au destin qui leur est paradoxalement réservé à cause de ces même vices. Si les deux albums à paraître chez Flblb s’opposent drastiquement visuellement, on y retrouve des thèmes communs notables : une omniprésence fatale de la guerre, de la vengeance, d’amours interdits et de renversement de l’humanité entière mâtinés de grotesque et de réactions quasiment cartoonesques. C’est cette fluidité dans l’alternance entre drame et humour qui constituera longtemps son ADN.



Article publié dans le Mag ZOO N°83 Septembre-Octobre 2021

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