Le duo non conformiste né de l’imagination de Gabrielle Vincent revient en salles. Si ce Voyage en Charabïe se révèle un poil moins éclatant dans sa pureté naïve, il gagne un propos politique en filigrane sur les sociétés tentées par l’orthodoxie autoritaire.
Ernest et Célestine : le Voyage en Charabïe s’ouvre sur la sortie d’une longue hibernation. Tout un symbole puisque le brillant premier long-métrage adapté des livres pour enfants de l’autrice belge Gabrielle Vincent est sorti il y a tout juste dix ans. Ce qui frappe, c’est que les deux films s’intéressent à la question des origines : celui de 2012 tournait autour de la genèse d’une rencontre jamais explicitée dans les livres tandis que ce deuxième opus traite du passé tumultueux et familial d’Ernest. Ainsi, se sentant coupable d’avoir cassé accidentellement le violon inestimable d’Ernest, Célestine se rend en Charabïe, le pays d’origine de son ami plantigrade, pour y réparer son précieux « Stradivariours ». Son voyage l’amène à découvrir une terre étrange soumise à des règles absurdes poussées à l’extrême.
Ernest et Célestine : Le voyage en Charabïe
©Ernest et Célestine, Le Voyage en Charabïe – 2022 - Folivari / Mélusine Productions / Studiocanal /
ÉMANCIPATION CONTRE TRADITIONS
« C’est comme ça et pas autrement ! » Plus qu’une phrase à l’emporte-pièce, c’est bel et bien la devise de la Charabïe. Elle concentre à elle seule tout ce contre quoi Gabrielle Vincent luttait à travers son œuvre, en farouche anticonformiste qu’elle était. À travers les quiproquos et les cavalcades entre la résistance souterraine mélomane et les forces régaliennes, Ernest et Célestine : le Voyage en Charabïe s’envisage comme un cousin naïf et enfantin de Mon oncle et Brazil dans sa dénonciation des sociétés vermoulues par des traditions que l’on ne daigne plus interroger. Et quand le questionnement est mis à l’index, le risque que l’orthodoxie soit l’arbre cachant la forêt autoritaire n’est jamais très loin. Cela étant posé, la transmission bien amenée de cette morale s’opère quelquefois au détriment de la fraîcheur et de la spontanéité qui irradiait le premier film. Indéniablement maîtrisée, la réalisation de Jean-Christophe Roger et Julien Chheng peine à rivaliser avec celle ô combien inventive de Benjamin Renner. De même, l’absence de Daniel Pennac aux dialogues se fait sentir. Comme si un je-ne-sais-quoi à la fois simple et élémentaire s’était perdu au cours de ce voyage…
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