Les éditions Paquet évoquent bien sûr des BD avec des avions ou des voitures anciennes, mais c’est aussi tout un éventail d’albums sur des thématiques très différentes. Les 25 ans de l’éditeur célébrés dans le canton de Genève ont été l’occasion de faire le point avec un panel d’auteurs motivés.
L’image des éditions Paquet est souvent associée aux bandes dessinées traitant de l’aviation ou d’automobiles « vintage ». Le cap des 25 ans que vient de fêter l’éditeur a été l’occasion de se rendre dans son fief à Veyrier (joli village dans le canton de Genève) pour creuser un peu le sujet, en buvant une bière ou un verre de vin blanc suisse (avec modération) en compagnie de quelques-uns de ses auteurs.
Certes, Romain Hugault est un chef d’escadrille emblématique de la maison d’édition avec ses séries d’aviation, scénarisées par Yann (Le Grand Duc, Le pilote à l’Edelweiss, Angel wings) ou Régis Hautière (Au-delà des nuages, Le dernier envol). Inutile de le présenter. A signaler un projet qui se passerait avec des femmes pilotes dans les années 80, sur le fameux Tomcat. Dans tous les cas, Hugault vole dans la stratosphère.
Le dernier envol © Paquet, 2005
Et d’autres as du manche ont pris leur envol, tel Olivier Dauger, au trait très ligne claire sur Ciel en ruine comme sur une quinzaine d’autres albums publiés, avant que, lassé par l’encrage et les à plat, il n’adopte une technique picturale totalement différente : sur Tuskegee ghost (dont le 1er tome a été chroniqué dans le Zoo n°88) : « Pour marquer le coup, j’ai changé de graphisme, je me suis inspiré du style que je fais en tant qu’affichiste, pour des affiches rétro de voyage ». Il n’y a plus de tracé noir, juste des couleurs. C’est une réussite, le résultat est spectaculaire.
Les auteurs qui font chez Paquet des séries sur les avions ou les bagnoles savent de quoi ils parlent.
Autre pilote émérite, Olivier Speltens, dont le premier amour est les avions. Paquet lui a dit banco, pour développer une série sur les soldats Allemands, L’armée de l’ombre alors que d’autres éditeurs étaient plus réticents. La file d’attente à Veyrier d’amateurs de sa série actuelle Afrikakorps montre que Paquet a eu raison de lui faire confiance. Et bientôt une nouvelle série, sur les pilotes japonais pendant la 2nde guerre mondiale, cette fois. Toujours chez Paquet. « Les auteurs qui font chez Paquet des séries sur les avions ou les bagnoles savent de quoi ils parlent » estime l’auteur.
Côté automobile, les albums de Jacques Gipar par Jean-Luc Delvaux sur scénario de Thierry Dubois rencontrent un franc succès auprès des amateurs de carrosseries anciennes. Ce dessinateur tombé dans la potion magique de Gil Jourdan quand il était petit n’a de cesse de nous dessiner de belles dauphines et d’autres voitures de caractère ayant marqué leur époque. L’auto est mise à l’honneur dans d’autres séries Paquet, regroupées dans la collection Calandre.
Jérôme Phalippou est devenu sur le tard un professionnel de la BD, à 42 ans, après une carrière de douanier. Sa rencontre avec Olivier Marin lui a permis d’entrer dans la collection Calandre avec la série Les aventures de Betsy, jeune femme alsacienne recherchant des voitures de collection pour de riches clients. Trois épisodes ont paru. Autre série, sur la débâcle de 1940, avec Thierry Dubois, cette fois : Le Merlu. Le dessinateur va toutefois bientôt sortir des routes goudronnées pour emprunter des sentiers oubliés : « J’ai un projet personnel assez féministe dans le milieu de la douane et de la contrebande. » On y parlera de contraception, à une époque où elle n’était pas légale en France. A suivre, donc.
Les aventures de Betsy T.4 © Paquet, 2021
Et que ces séries vrombissantes n’occultent pas d’autres directions dans lesquelles l’éditeur s’est engagé :
Paquet soutient le travail de Serge Annequin, dont les préoccupations sont loin des moteurs d’avions ou d’autos : cet auteur s’est intéressé dans Les fragments de l’oubli à faire « un roman graphique avec la thématique de la perception du réel, un peu philosophique. ». Après d’autres ouvrages en auteur complet, il a signé avec le scénariste Dom Corrieras la série jeunesse Urbex Pep & Djou, fouineurs de mémoire sur la mise en valeur du patrimoine. Et il prépare un nouveau roman graphique, Cela va de soi, inspiré d’un fait divers : la mort d’une étudiante, faisant penser au film Dark Water. L’occasion de traiter de l’impact des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et de faire référence à un film de Jean Cocteau, dont un seul exemplaire, jamais visionné, est enfermé dans un coffre. « C’est une BD hommage au cinéma. », conclut Serge Annequin.
Paquet édite également David Ratte, avec Le voyage des pères, traitant de l’inquiétude des pères de plusieurs disciples de Jésus. « Je voulais faire mon anti Da Vinci Code. Ce n’est pas un livre religieux, ni anti-religieux. En fait, la thématique est celle des enfants qui s’en vont. » La Croix a fait un papier au bout d’un mois et demi, et ce fut l’effet papillon : commande de librairies religieuses, demande de lecteurs à leur librairie, etc. La 2nde saison de la série est consacrée à Moise. Et après des publications chez d’autres éditeurs, Paquet l’a rappelé en lui disant que c’était le moment de faire la 3ème saison, Noé. « C’était une évidence, remonter aussi à Noé, ce sont les trois grandes étapes du Christianisme ». Avec comme moteur non pas celui d’un avion mais toujours l’humour.
Aucun autre éditeur n’aurait voulu le publier !
Pascal Croci, qui a intégré l’écurie Paquet quand l’éditeur a racheté Emmanuel Proust, est encore dans un autre univers. L’homme comme ses albums, semble insaisissable. Après avoir fait des BD religieuses, il a fait Auschwitz, bande dessinée documentaire qui a eu un large écho, mais aussi des BD d’un romantisme gothique marquant. Puis il a publié récemment Anorexique, pavé de 900 pages impressionnantes sur la forme comme sur le fond. « Je ne fais pas de série, je trouve déjà long de travailler sur un sujet »,précise-t-il. Actuellement, il prépare un livre sur Hitler, intégrant les témoignages de trois femmes, dont Eva Braun. « Aucun autre éditeur n’aurait voulu le publier ! » assure Croci.
Chanouga, alias Hubert Campigli, auteur au regard particulièrement perçant, s’est intéressé au jeune Stevenson quand il était étudiant à Edimbourg, dans Merry Men, dont le tome 1 Souvenirs d’un jeune écossais a été publié en 2022. « C’est une ville que je n’ai pas pu visiter en amont de l’album du fait de la crise sanitaire », regrette-t-il. Mais même s’il n’a pu se balader dans la cité écossaise que via Google Street, ce qui ne permet pas de « ressentir » une ville, le rendu graphique est saisissant. Par ailleurs, l’auteur a un projet sur les tatouages marins...
J’ai un style très rond, très belge. Il n’y a plus vraiment d’éditeurs qui s’intéressent à ce style de dessin.
Le dessin de Michel Colline peut faire penser à un Tezuka (notamment pour les visages des personnages) qui aurait assimilé les codes de la BD belge. « J’ai un style très rond, très belge. Il n’y a plus vraiment d’éditeurs qui s’intéressent à ce style de dessin. » Face au projet de Charbon, Paquet lui a dit de ne pas faire un one-shot, mais un diptyque, pour donner davantage de chances commerciales au projet. « Mais chaque tome est paru au moment d’un confinement, ce qui n’est pas forcément une aide pour faire connaître la BD ! », ajoute Michel Colline.
Guillaume Tauran est sans doute le plus jeune auteur Paquet, il a 22 ans. Mais il a déjà pas mal roulé sa bosse : journaliste, marin, dessinateur, il a embarqué à bord de l’Hermione, la reconstitution fidèle de la frégate de La Fayette. Il en a tiré une BD témoignant de la vie quotidienne sur le navire : Une vie de gabier à bord de l’Hermione. « Non, je n’avais pas le temps de faire la BD quand j’étais sur l’Hermione, j’avais mon travail de marin, mais j’ai filmé pour pouvoir dessiner après. », explique-t-il. Guillaume a d’autres projets de BD-reportage, dont un concernant un bateau scientifique, sur le fleuve Congo et le long des côtes de l’Afrique de l’Ouest. Un passionné, doublé d’un aventurier !
Une vie de Gabier à bord de l'Hermione © Paquet, 2022
Parmi les dernières « recrues » de l’éditeur figure Sépia, qui signe le tome 1 de la BDLe Petit peuple. Nourri par Dragon Ball, Le Seigneur des Anneaux et Harry Potter, il a conçu selon ses propres mots une aventure classique à l’ancienne. Il prépare également des livres pour enfants, toujours chez Paquet. « La BD est pour moi un moyen de parler aux enfants de sujets plus importants, de ceux qui font avancer le monde, même à petits pas. L’écologie, respecter la planète, respecter les autres... Pierre me soutient et on fera d’autres projets ».
Enfin, Daniel Horia n’est pas encore au catalogue, c’est prévu pour 2023. Mais nous avons eu la chance de découvrir en avant-première le tome 1 de Mon âge d’or, récit sur son enfance dans la Roumanie de Ceaucescu à paraitre au 1er trimestre 2023. Cet album a pour l’instant été publié uniquement en Roumanie. « J’ai envoyé mon dossier à des éditeurs, Paquet m’a répondu. ». Il ajoute : « J’ai voulu m’adresser aux Roumains pour qu’ils se rappellent leur passé. Il y a très peu de documents sur cette époque, c’était la dictature » C’est très bien raconté, empli de sensibilité, dans le ton comme dans le dessin. « Je voulais aussi expliquer de manière pas trop scolaire aux non Roumains ». C’est réussi. Nous reparlerons prochainement de cet artiste, c’est sûr !
D’autres auteurs publiés par Paquet auraient bien évidemment pu être mentionnés ici, tels Stan Silas et son univers cartoon cauchemardesque (Parasites) ou Patrick Hitte, dessinateur de pin-up qui démarre une série en couleur directe (Le Betty Bar).
Les 25 ans se sont poursuivis par une rencontre à la Salle Centrale de la Madeleine à Genève, puis un concert avec un groupe délicieux d’Outre-Mer. Et pour conclure, un banquet, bien sûr !
La suite est à découvrir chez votre libraire préféré.
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