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Isayama, le plus grand des titans

Pour les 10 ans de L’Attaque des Titans, Angoulême a réussi un tour de force… titanesque, en invitant Hajime Isayama. Il y donnera une masterclass, rencontrera ses lecteurs et une exposition inédite lui sera consacrée.

C’est une première en Europe : une exposition sur Isayama se tiendra à Angoulême. Pensée par Fausto Fasulo, co-directeur artistique et responsable de la programmation Asie du Festival, l’exposition a été scénographiée par l’agence Luxar. Plus de 150 planches originales replongent les lecteurs dans ce monde déchiré entre titans et humains, dans cette série monumentale et addictive.

Cela fait maintenant plus de 10 ans que LAttaque des Titans fait voyager ses lecteurs d’un retournement de situation à un autre. La série est connue pour son histoire brillante, pour son questionnement du Bien et du Mal, sur l’intérêt individuel et le bien commun, mais aussi sur l’absurdité de la guerre et la subjectivité de la vérité. Sans prétention, Isayama a bouleversé la vision de ses lecteurs sur une œuvre de fiction et son héros traditionnel. Une prouesse scénaristique qui se double d’une mise en image dramatique. Du design des titans (entre mégalophobie et uncanny valley) au dynamisme des manœuvres tridimensionnelles, L’Attaque des Titans est un pur produit de pop culture survitaminé. Malgré son trait atypique, Isayama a imposé son œuvre unique en son genre dans le monde entier.

Il fallait donc une exposition à la hauteur de sa démesure. Nous avons rencontré son commissaire, Fausto Fasulo, qui nous en a parlé en avant-première !

D’où vient le désir de faire cette exposition ?

Fausto Fasulo : On en discute avec les éditeurs japonais et français depuis presque deux ans. Lorsque j’ai pris ce poste, je voulais la faire parce que c’est un des blockbusters les plus étranges du paysage manga contemporain. Cette œuvre sort de nulle part. Elle ne ressemble à aucune autre. Dans cette industrie très frileuse qui est dans un calcul quasi mathématique de ce qui va marcher ou non, L’Attaque des Titans s’est imposée de façon complètement inattendue. C’est un jeune auteur de 19 ans qui se lance dans une histoire d’une envergure biblique et qui réussit à la mener à son terme.

L'Attaque des titans

L'Attaque des titans
©Hajime ISAYAMA / Kodansha Ltd.

Une création 100 % française qui se veut « immersive ».

F. F. : Avec une œuvre pareille, on ne pouvait pas proposer un simple accrochage d’originaux. Il y aura plus de 150 planches, mais il s’agira aussi de vivre une expérience, quelque chose de très immersif et pop. Je suis hyper stimulé par cette dimension scéno­graphique parce que ce manga appelle ce type de traitement.

Comment va s’organiser l’exposition ?

F. F. : Je ne veux pas imposer un point de vue sur l’œuvre,ni mon interprétation. L’exposition n’est pas chronologique. On ne veut pas reraconter l’histoire, la réexpliquer. Elle sera divisée en quatre parties pour quatre thématiques. La première est sur l’origine des titans et se consacre aux créatures d’Isayama. Une autre portera sur l’art de la guerre pour montrer comment l’auteur combine des imageries médiévales et de guerres mondiales,nourrissant sa dystopie. C’est ce qui fait que la série a eu un écho chez nous, à l’étranger. On y voitdes événements historiques différents de ceux que peuventy voir les Japonais ou les Américains. Une troisième partie est liée à l’intérêt d’Isayama pour les sports de combat, sur sa manière de combiner les arts martiaux mixtes et les kaijū eiga. Et une dernière partie s’attache au regard, à la façon dont les personnages dialoguent avec les yeux, entre eux ou avec les titans. Ce qui est intéressant, c’est que le premier titan qu’il a dessiné pour Kōdansha, en 2006, a des yeux opaques, complètement déshumanisés. Alors que dans sa série, on sent une volonté d’humaniser les titans.

Qu’est-ce que L’Attaque des Titans va changer dans la pop culture ?

F. F. : Pour moi, c’est une étoile filante. Je ne suis pas certain qu’on puisse retrouver une œuvre de cette ampleur-là. Et même si les Japonais ont toujours été très bons dans l’exploitation de filons, pour le moment je n’ai pas vu d’ersatz de L’Attaque des Titans. Isayama est lui-même déjà dans un mécanisme de recyclage et de citations. Il met dans son manga tout ce qu’il aime. Il est fan de combat et de kaijū eiga, de cinéma et de jeux vidéo. Il pense son manga à travers le prisme de toutes ses passions. Il est aussi pétri de références américaines telles que : Tarantino, Spielberg, Shyamalan… Il est à la croisée des pop cultures et il ne cesse de le dire à travers son manga.

Article publié dans le mag ZOO MANGA N°6 Janvier-Février 2023

Exposition

Angoulême2023

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