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La ligne pour le dire

L’exposition « Swarte à livres ouverts ! » dévoilera quelques-unes des nombreuses et talentueuses facettes de l’auteur néerlandais, Grand Boum Ville de Blois en 2022.

La ligne pour le dire

© Joost Swarte

« Un géant de la BD » confirme Patrick Gaumer, commissaire de l’exposition, mais aussi « un géant de l’illustration, de l’image, du graphisme. » De Swarte, on connaît évidemment la ligne claire, ce style graphique sobre, indissociable d’Hergé, qui privilégie la netteté avec un trait toujours de même épaisseur, des couleurs simples, l’absence de hachures ou d’ombres. Joost Swarte en est à la fois le théoricien (il lança l’expression « ligne claire » en 1977 lors d’une exposition à Rotterdam) et surtout l’un des praticiens les plus admirés et reconnus. De fait, ses dessins dans The New Yorkeril est l’un des rares Européens à avoir dessiné pour ce très réputé magazine de l’intelligentsia américaineconstitueront forcément un morceau de choix. Cette exposition proposera aux visiteurs beaucoup d’autres pièces, documents, croquis et dessins pour appréhender la richesse des créations de cet auteur majeur.

Son œuvre ne se limite d’ailleurs pas au 9e art, mais touche à l’illustration, au lettrage (que l’on pourra découvrir dans l’exposition), à la scénographie et même à l’architecture (Swarte, formé au dessin industriel a par exemple travaillé sur le design du nouveau théâtre du Toneelschuur d’Haarlem, aux Pays-Bas). « Ce qui frappe d’abord, c’est son incroyable éclectisme » abonde Patrick Gaumer. Pouvait-il d’ailleurs en être autrement de la part d’un dessinateur, pilier de l’underground, admirateur de George Herriman, ami d’Art Spielgelman et « héritier » du style d’Hergé ?

« à livres ouverts »

Construite autour du livre – un thème récurrent dans ses travaux – l’exposition invite à explorer l’incroyable production de l’artiste Swarte à travers différents chapitres. Une visite pour ne pas dire une lecture immersive (avec commentaires, agrandissements, originaux et croquis) de l’univers du créateur néerlandais nous est ainsi proposée, comme pour nous rappeler qu’un dessin de Swarte se regarde, s’apprécie, mais aussi se lit et se comprend sur plusieurs niveaux. Il y a en effet dans chaque réalisation un ou des messages avec toujours cette « poésie taquine » (pour reprendre la très belle expression que Patrick Gaumer emploie en postface du dernier ouvrage de Joost Swarte Biblio Picto, chez Dargaud).

Biblio Picto

Biblio Picto © Joost Swarte

Joost Swarte qui n’aime rien tant que partager, découvrir et faire découvrir, se livre (c’est le cas de le dire) à cœur ouvert. Le visiteur/lecteur traversera ainsi les chapitres d’une vie créative avec d’abord les origines et l’underground, puis des portraits d’artistes admirés : Piet Mondrian, Raymond Queneau, Gerrit Rietvelt et Jacques Tati. Tous ces noms ont en commun la réalisation d’œuvres marquantes, aisément identifiables. Des traces de cette influence pourront ainsi se retrouver dans la suite de l’exposition. Le chapitre suivant sera consacré aux vitraux conçus par Joost Swarte, ceux du couvent Sainte-Cécile à Grenoble dans les locaux de Glénat ou ceux du tribunal de Haarlem (Pays-Bas). Le chapitre 4 reviendra sur la fameuse période du New Yorker avec évidemment les couvertures et les dessins les plus forts, qui valent à eux seuls un éditorial. Enfin le chapitre final décrira le processus de création, de l’esquisse jusqu’au trait parfait. Un chapitre qui clôt en beauté cette exposition avec les recherches d’idées, les crayonnés, les essais, les réflexions et des originaux. Ce processus de création constitue un bon résumé d’une carrière riche et diverse, avec toujours cette curiosité artistique, ce questionnement permanent, cet humour tout en légèreté très en lien finalement avec cette ligne claire, si lisible, si équilibrée, si subtile. Un parcours graphique au cours duquel le prolifique auteur néerlandais a pu collaborer entre autres avec Raw (la revue américaine de bande dessinée des années 80, dirigée par Art Spielgelman et Françoise Mouly), Métal Hurlant ou Charlie Mensuel (notamment avec Willem).

Ce livre d’une vie aurait pu s’achever ainsi, mais la maison de la BD de Blois a eu la bonne idée d’exposer également six auteurs des Pays-Bas (trois femmes et trois hommes) appréciés par Joost Swarte. Une occasion d’admirer le travail d’Aimée de Jongh, de Barbara Stok, de Typex et d’Erik de Graaf et de découvrir (puis d’apprécier) des auteurs moins connus (Anne Stalinski et Jeroen Funke). Ces choix permettront aussi de mieux comprendre l’état d’esprit de Joost Swarte, ouvert aux autres, réceptif aux nouveautés. Derrière des styles graphiques très différents (éloignés pour certains de « la ligne claire »), chez tous se retrouvent des thèmes communs, souvent abordés et traités par Joost Swarte lui-même, sur le sens de la vie, l’émancipation des femmes, les livres, l’art, la poésie, l’absurde… De quoi s’interroger sur l’existence d’une ligne néerlandaise quant aux choix des sujets…

Article publié dans le Mag ZOO N°95 Novembre-Décembre 2023

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