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Tsutomu Takahashi : Une palpitation à partager

Certains auteurs, artistes focalisent l’attention sur un succès immense et unique. Tsutomu Takahashi nous offre, lui, le luxe d’une constellation de titres fascinants.

Tsutomu Takahashi a connu une carrière française en deux étapes. Publié (principalement par Panini) dès 2005, ses séries ont lentement disparu du panorama avant la renaissance de l’éditeur ces dernières années. La période est à la liesse autant qu’à l’abondance, car tous ses titres sont dorénavant à nouveau disponibles, mâtinés de nouveautés qui continuent de renforcer son aura d’auteur acéré.

En effet, Takahashi s’avère invariablement marquant et pertinent. De Bakuon Rettô, sa série sur les gangs de motards adolescents enflammés, symboles de la rébellion japonaise des années 80 à Sidooh (voir page précédente), sa retranscription sauvage et sombre d’un Japon déchiré par l’ouverture de ses frontières, contre-pied désespéré et fangeux de la noblesse d’un vagabond, en passant par le thriller étouffant en milieu marin qu’est Blue Heaven ou la plongée dans la psyché littérale des humains à travers Alive et Soul Sender, l’auteur laisse l’impact d’un gros coup de masse dans les entrailles.

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La conception maculée

Son élégance impure fait rejaillir toute la noirceur de personnages qui s’affirment contre la régulation normée de la société qui les emprisonne. Aussi efficient sur série courte que sur série longue, l’auteur est une entité inévitable, un point d’orgue à ne pas manquer dans tout parcours de lecture un tant soit peu construit et conscient. Parmi la pléthore d’artistes qui s’enchaînent, il s’incarne dans un pan de littérature en dessin indispensable, quoiqu’invariablement sans concession. Sa poésie humaine est tachée de sang, maculée des boyaux de systèmes archaïques préconçus qu’il s’acharne à abattre, moellon par moellon. Ses personnages suivent ce que leur dictent leurs tripes, envers et contre tout, mais jamais sans tourments. Son suspense est angoissant, ses récits couverts de nuages d’orage.

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Un phare funeste

On peut se saisir de toute la carrière de cet auteur sans hésitation. Sa longévité éditoriale française nous permet d’alterner entre ses grands classiques du début et des récits récents qui maintiennent la barre haute. Neun, Black Box et Jumbo Max, par exemple, ne sont toujours pas de simples variations de sujets évidents et demandent au lecteur de se dépatouiller de son encombrement moral simpliste. Si un auteur adulte tel que Taniguchi est une évidence par temps calme, Takahashi est un sourire grimaçant dans la tempête. Il est deux yeux perçants qui scrutent la tourmente et nous y invite en ricanant. Il est la tentation d’arrêter de se voiler la face. Il est le pas primordial vers le sommet.

Article publié dans ZOO Manga N°11 Janvier-Février 2023

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