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Fariboles Productions fête son 30e anniversaire : tour d’horizon d’une manufacture française

En 1993, Pascal Rodier crée Fariboles Productions, une entreprise d'artisanat d'art spécialisée dans la fabrication de figurines de collection haut de gamme. Située en Normandie, elle s'est rapidement distinguée par la qualité de ses produits et son engagement dans les univers de la bande dessinée, du cinéma et de la pop culture. En trois décennies d’expertise, Fariboles est devenue une véritable référence pour les passionnés de figurines, ce qui lui a valu en 2019 l’obtention du label « Entreprise du Patrimoine Vivant ». L'entreprise a récemment fêté ses 30 ans et, pour l'occasion, publié un livre contenant 100 photos de figurines et retraçant leur parcours et plus encore ; à retrouver exclusivement sur leur site.

Un démarrage collaboratif

« Mon premier atelier ? Une table près de mon lit dans mon appartement en location », confie Pascal Rodier dans son ouvrage Fariboles Productions - les 30 ans. En effet, Pascal Rodier fonde Fariboles seul, en 1993 et paradoxalement, c’est une collaboration avec plusieurs sujets qui l’attend. Il va devoir faire preuve d’autant d’adaptabilité que sa pâte à modeler.

Une figurine seule, sans indication de mouvement, sans texte dans une bulle, sans contexte, sans la case d’avant ni la case d’après, même si elle représente un mec balèze, se retrouve toujours seule sur une étagère. Il faut lui en donner, de la force, pour qu’elle « tienne debout » !

Il doit avant tout composer avec son lieu de travail. Ayant rapidement réalisé qu’il ne pourrait faire de ponçage, de peinture, ni d’emballage dans sa chambre, il loue un studio plus adapté, quoiqu’un peu spartiate et étriqué. Il doit aussi s’adapter à son matériau : le mastic, une matière qui durcit vite et est difficile à travailler, mais elle permettait tout de même de prendre le temps de voir la forme se dessiner, ajoute-t-il. À l’époque, il a le privilège, mais également la grande difficulté qu’implique le quasi-monopole du marché en France : « Au moment où j’ai fondé Fariboles, seulement une poignée d’ateliers français se partageaient ce petit marché et la production de figurines en Extrême-Orient était encore balbutiante. » Il rencontre aussi des difficultés à faire la publicité et à communiquer sur ses créations : « Trois décennies en arrière, il n’y avait évidemment pas Internet et encore moins de réseaux sociaux, pas de photo numérique. Les échanges avec les auteurs étaient donc moins rapides. » 

Car ceux avec qui il doit composer plus que tout, ce sont les auteurs, des collaborations qui se révèlent pleines de surprises. La première figurine qu’il réalise est celle du Fourreux de Régis Loisel tiré de La Quête de l’oiseau du temps. C’est avec elle qu’il se confronte pour la première fois aux remarques des auteurs.

Pascal Rodier, Fourreux 01, 1993, résine, 8,5 cm

Fourreux 01, 1993, résine, 8,5 cm de hauteur © Fariboles, Pascal Rodier

Loisel voyait la tête de son personnage plus grosse, car son style de dessin avait évolué au fil de l’œuvre, pour devenir plus expressif. C’est ce qu’explique Pascal Rodier : « Plus tard, au cours de la création de nombreuses autres figurines, j’ai toujours eu cette préoccupation de trouver dans quel album, à quelle époque, se situait l’apogée de la “beauté” d’un personnage… Sans être certain de l’avoir systématiquement trouvée, et sans être toujours d’accord avec l’auteur sur ce fameux moment. »

Une croissance perfectible

En 1994, l’équipe et le lieu de travail s’agrandissent, et les contraintes viennent de pair.

Le studio ne suffisant plus, Pascal Rodier et ses acolytes, désormais quatre, emménagent dans une villa de la banlieue de Rouen dont le grenier devient leur atelier. C’est à cette époque qu’ils réalisent les figurines de Canardo à Nestor Burma.

Pascal Rodier, Canardo, 1994, résine, 14 cm

Canardo, 1994, résine, 14 cm de hauteur
© Fariboles, Pascal Rodier

Pascal Rodier, Nestor Burma, le détective, 1996, résine, 20,5 cm

Nestor Burma, le détective, 1996, résine, 20,5 cm
© Fariboles, Pascal Rodier

Faire évoluer le produit pour toujours séduire et surprendre une clientèle de connaisseurs de plus en plus experts et exigeants. 

Cependant, il leur faut encore changer d’atelier, car, les supports étant instables, il leur est arrivé par trois fois que, comme il l’appelle, « la malédiction des dominos chinois » s’abatte sur eux. C’est-à-dire que la salve de statuettes terminées (une trentaine) se casse en tombant les unes sur les autres…

L’exercice n’est pas très loin de celui du restaurant étoilé : il faut créer et surprendre chaque jour, renouveler la carte très souvent et ne jamais s’autoriser à décevoir.

Leurs exigences se trouvent, elles aussi, rehaussées. Ils doivent désormais tailler la statuette différemment en fonction dess tissus composant les vêtements du personnage. Pascal Rodier explique que souvent, il présente aux fabricants la nouvelle statuette comme facile à monter à poncer, à peindre, mais qu’elle se trouve très souvent plus compliquée à faire que prévu tant les détails sont nombreux.

La prospérité par l’écoute

En 1996, Fariboles Productions s’installe dans un nouvel atelier : celui d’un ancien prothésiste dentaire. De fait, le lieu de travail est bien équipé, les espaces de travail sont adaptés et vastes.

Je conserve comme un trésor cette sensation de trac qui me prend à chaque fois que je présente une nouvelle pièce.

Leur premier grand succès est la fée Clochette du Peter Pan de Loisel qu’ils réalisent en 1999 et vendent à plus de 5 000 exemplaires. C’est là que Pascal Rodier s’aperçoit de la difficulté à trouver la pose parfaite pour ses personnages. Il a notamment refait les fesses de la fée à deux reprises, car une femme âgée, qui ne savait pas qu’il était le sculpteur, lui aurait dit qu’elle avait le « cul triste ».

Pascal Rodier, La fée Clochette, 1994, résine, 19 cm

La Fée Clochette, 1994, résine, 19 cm de hauteur © Fariboles, Pascal Rodier

Il s’agit avant tout de comprendre ce que cache un héros de papier, un personnage qui a profondément marqué ses lecteurs et auquel ils tiennent. Il faut ensuite tenter de lui apporter un « plus » qui ne soit pas un « trop »…

Il prête donc une oreille attentive aux avis sur ses figurines, mais également et surtout aux avis des bédéphiles. Loin de l’image d’addict matérialiste qui colle à la peau des collectionneurs, Pascal Rodier qualifie l’accumulation des statuettes comme d’un « jeu dans lequel ils ont leur part ». Lorsqu’il fait visiter l’atelier à ses clients, il raconte : « j’en profite aussi pour noter, au détour d’une réflexion, d’un sourire ou d’une question un peu inattendue, les liens que ce collectionneur a tissés avec nos figurines, ses attentes, s’il a des reproches à nous faire ou même des conseils à nous donner. »

Excepté la mignonne petite fée de Loisel, rappelons que le produit iconique de Fariboles est la Pin Up de Berthet, qu'ils ont réalisé par sept fois.

Beau Livre Anniversaire - Fariboles 30 ans : Fariboles Productions fête son 30e anniversaire : tour d’horizon d’une manufacture française

Beau Livre Anniversaire - Fariboles 30 ans : Fariboles Productions fête son 30e anniversaire : tour d’horizon d’une manufacture française

Pin up de Berthet n°07, 2023, résine, 26 cm de hauteur © Fariboles, Pascal Rodier, Éric Delaval

Une indépendance salvatrice

Autour des années 2000, l’équipe de Fariboles s’installe à Darnetal, une ancienne ville ouvrière de filatures près de Rouen. Et c’est d’ailleurs dans une ancienne filature que s’installe l’atelier qui est leur lieu de travail actuel, marquant ainsi un avant et un après du point de vue de leur technique. En effet, le mastic est mis au placard au profit d’une nouvelle méthode : le modelage. Pascal Rodier crée pour la première fois une figurine de cette manière-là : le Spirou tenant Fantasio dans sa main (2002). Ils disposent en effet pour la première fois de leur propre laboratoire de moulage. Jusqu’à présent, ils sous-traitaient cette partie du processus, mais cela commençait à atteindre ses limites, car, leurs figurines étant de plus en plus précises, ils recevaient parfois des refus de la part de leur fournisseur. C’est le début, pour eux, de l’indépendance totale.

Voici leur méthode : 

1) Avec de la pâte à modeler appelée plasticine, ils réalisent une ébauche du personnage en ajoutant des couches successives sur un fil de fer. Ainsi naît une ébauche de figurine.

Fariboles Productions fête son 30e anniversaire : tour d’horizon d’une manufacture française

2) Ils moulent l’ébauche pour en tirer une épreuve en résine.

Fariboles Productions fête son 30e anniversaire : tour d’horizon d’une manufacture française

3) Le prototypage : ils poncent les détails sur l’épreuve. 

Fariboles Productions fête son 30e anniversaire : tour d’horizon d’une manufacture française

4) Ils fabriquent des moules à partir du résultat.

Fariboles Productions fête son 30e anniversaire : tour d’horizon d’une manufacture française

Pour ce qui est des pièces en verre, comme le scaphandre de Tintin, elles sont faites en verre soufflé découpé au dixième de millimètre près par un artisan verrier situé à 3 km de l’atelier.

Un chemin semé d’embûches

En dépit de cette prospère évolution, Fariboles Productions, comme toute entreprise, a traversé, et rencontre encore des difficultés. Et certains choix ont parfois un revers de la médaille, c'est ainsi qu'utiliser un seul type de résine pour toutes tailles de figurines s’est avéré très pratique pour les artisans, jusqu'au jour où celle-ci a eu un défaut de fabrication. Ils ont alors cru devoir mettre la clé sous la porte.

Les méthodes humaines atteignent également parfois leurs limites. Par exemple, les grandes figurines sont moulées creuses et non pleines pour des raisons de poids et d’économies de matière. C’est ce que Pascal Rodier appelle le rotomoulage. Or, pour ce faire, on fait couler un tiers environ du volume total de résine dans le moule qu’on referme et qu’on fait tourner lentement. Faire cela avec des centaines de pièces de plus de 10 kg devenant fatigant, il leur a fallu investir dans une machine achetée à des industriels de plasturgie. Les matériaux peuvent également faire défaut, comme par exemple, le plâtre qui remplissait pendant un temps les grandes figurines. Cette matière s’avérant trop lourde, ils se sont vus contraints de la remplacer par de la mousse de polyuréthane.

Et c’est probablement pour cette raison que par-delà toutes les petites astuces et sophistications que nous mettons dans nos statuettes, il restera toujours un « truc » inexplicable et magique dans lequel réside l’essentiel de leur attrait.

Pascal Rodier évoque également le problème du transport, qui peut malheureusement s’avérer fatal pour la figurine malgré toutes les précautions prises lors du chargement… la casse est toujours trop fréquente.

Pascal Rodier, Ébauche de Poteline, Peter Pan, Loisel

Ébauche de Poteline, Peter Pan, Loisel © Fariboles, Pascal Rodier

Enfin, les désaccords avec les éditions ou les auteurs font parfois tant traîner la création d’une figurine que la motivation s’amenuise. Alors, les ébauches oubliées s’accumulent, telles que la sirène Poteline du Peter Pan de Loisel pour laquelle Pascal Rodier a toujours douté. Pour en découvrir davantage sur Fariboles Productions, vous pouvez retrouver leur livre anniversaire en exclusivité sur leur site web, ici.

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