Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Humour, découvrez la planche #14 : Touïs!
Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier
Moment important de la vie de Pilote, Le Sergent Laterreur, bande fugace mais marquante qui parut entre 1971 et 1973, avait une génération d’avance pour le jeu du trait, le récit, les onomatopées.
Reprenant alors le genre éculé de l’humour militaire, les auteurs belges Touïs, alias Vivian Miessen (dessin) et Frydman (scénario) y injectent une bonne dose d’absurde et d’anarchisme, rejouant éternellement la confrontation entre le petit sergent borné et le gros soldat, comme du Laurel et Hardy à l’envers : ici c’est le petit qui martyrise le gros (de la troupe; cet énorme troufion symbolise la multitude des biffins qui subissent et obéissent en claquant des talons), et tout se termine dans le désastre et les explosions (d’obus, de colère).
Du point de vue stylistique, cette série est un OVNI : amples traits sinueux, couleurs contrastées posées en aplat, usage incroyablement novateur des bulles et des onomatopées. On peut penser aux pages de Lyonel Feininger, aux dessinateurs underground Moscoso ou Griffin, ou peut-être encore au Guy Peellaert de la période Pravda et Jodelle... Il n’empêche, Le Sergent Laterreur est inclassable, et il est resté sans réelle postérité. Touïs et Frydman ont rapidement déserté le champ de la bande dessinée, pour aller exercer leurs talents dans le dessin animé.
Quelques recueils incomplets du Sergent ont paru dans les années 1980, et les fans de la série se languissaient jusqu’à ce que l’éditeur L’Association ne produise en 2009 une intégrale qui fait désormais autorité. Après tout, c’est normal pour un sergent.
Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud
Bien qu’il ait principalement fait carrière dans l’animation, et plus particulièrement sur des adaptations d’univers BD (Asterix, Corto Maltese, Les Schtroumpfs, Picha, Tintin, Lucky Luke…) Touïs s’est aussi essayé à la bande dessinée, notamment par le biais de ce Sergent Laterreur, scénarisé par son compère Gérald Frydman, pour le compte de Pilote.
Il n’est alors pas question de proposer quelque chose de « sophistiqué », mais d’efficace, aux limites de l’archétype militaire avec le terrifiant sergent qui s’acharne sur son sous fifre pour compenser les brimades de ses propres supérieurs.
Le trait est donc à l’avenant, vif, presque un coup de griffe sur la page, on est plongé dans une joyeuse parodie de la vie de soldat en caserne, avec le langage qui suit.
Sur cette page, tous ceux qui ont vécu l’expérience de la marche au pas reconnaissent immédiatement la douceur de l’expérience, rythmée par ce cri scandé à gorge déployée auxquels répondent des gestes brusques… Tout y est, les expressions, l’ambiance et cet humour décalé qui fonctionne immédiatement.
En marge de toutes ces grandes séries qui ont animé la revue, Sergent Laterreur reste un ovni, bien heureusement réhabilité par l’Association en 2006.
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