Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Humour, découvrez la planche #21 : Arthur le fantôme de Cézard.
Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier
Né en 1924, Jean Cézard a commencé sa carrière dans l’immédiat après-guerre eta publié des centaines de pages dans les «petits formats» populaires de l’après-guerre.
Ils’est illustré dans le registre réaliste, mais c’est le dessinateur humoristique que la postérité a retenu, en particulier pour ses séries Arthur le fantôme et Les Tristus et les Rigolus, toutes deux parues dans Vaillant/Pif, ou encore les aventures du volatile Kiwiparues de 1955 à 1968 dans le petit format du même nom.
Son trait rond et dynamique fait merveille dans des récits loufoques où abondent les plus atroces calembours (particulièrement dans Les Tristus et les Rigolus). Arthur le fantôme (au départ même «fantôme justicier») est le héros dans lequel Cézard a insufflé le meilleur de son talent. Les jeunes lecteurs de Vaillant (devenu Pif Gadget en 1969) plébiscitent cette série qui paraît de 1953 à 1977, année de la mort de Cézard.
Des suppléments poches sont édités ainsi que des recueils qui reprennent certains des meilleurs épisodes. Arthur hante (comme de juste) un sombre château du Moyen Âge dans lequel il joue d’abord des tours pendables aux humains qui s’y aventurent. Mais Cézard lui fait bientôt quitter son château et la période médiévale pour l’envoyer dans différentes périodes du passé, où il croise (et affronte) des hommes préhistoriques, des pirates, des cow-boys, des gangsters barbus et moustachus...Il se retrouve même parfois, comme la planche de cette semaine, dans un pays imaginaire où s’affrontent sans répit deux peuples ennemis: les habitants de la Flatonie, aux bras vigoureux, et ceux de Placonie, aux solides mollets. Comme on peut s’y attendre, Arthur, flanqué du professeur Mathanstock (le barbu que l’on voit à ses côtés) vont, non sans difficultés, parvenir à rétablir la paix entre ces deux peuplades.
Le découpage classique et efficace, le soin apporté au rendu des décors et le dynamisme des postures de chacun des personnages sont caractéristiques du style de Cézard, ainsi que la rondeur dynamique de son trait. On peut le saluer comme un maître accompli et trop méconnu du style «gros nez».
Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud
Je me souviens quand je lisais Pif, enfant, j'admirais le travail de Cézard qui débordait de vie, de cette fantaisie fascinante qui alternait l'humour et l'action, le tout plongé dans un univers complètement fou.
Arthur le fantôme représente bien cet esprit propre à cet auteur qui n'a pourtant rien perdu de sa modernité, des années après sa mort. Il suffit de regarder les expressions, la fluidité dans les mouvements, cette façon de ne pas s'empêtrer dans des effets d'encrage inutile, tout en restant très efficace, et ce lettrage à la fois personnel et extrêmement clair.
Là aussi, il n'est pas nécessaire de connaître les tenants et aboutissants de l'histoire pour saisir de quoi il s'agit. On identifie tout de suite les différents camps qui s'affrontent, plus ou moins les enjeux, on laisse couler le regard tout seul au fil des cases, tout est presque trop évident dans cet enchaînement des cases ; Arthur pointe vers la droite, le regard du personnage va vers le bas à gauche, on suit la direction et on arrive sur une ligne qui va vers la droite, etc.
Cézard est de ces artistes qui maîtrisent leur art, modestement, tout en faisant le gros de leur carrière dans la presse et les revues, donc majoritairement oubliés par la grande critique. Chacune de ses planches est un régal pour les yeux, on sourit devant les innombrables idées qui s'y déploient, cette imagination débridée qui fait le charme de ce dessinateur pas assez reconnu.
PlancheCIBDI
Humour
Votre Avis