L'année qui s'achève a vu disparaître plusieurs figures majeures de la bande dessinée, des artistes qui ont marqué de leur empreinte le neuvième art. Qu'ils aient été maîtres du trait, conteurs d'histoires inoubliables ou explorateurs de nouveaux horizons graphiques, ces auteurs laissent derrière eux une œuvre qui continue d'inspirer lecteurs et créateurs. Retour sur ces parcours singuliers qui ont enrichi notre imaginaire collectif et fait rayonner la BD bien au-delà de ses frontières.
Mourir la veille de l’anniversaire… Voilà une chute que son double dessiné, Bronski Proko n’aurait sans doute jamais imaginé. Edouard Carali, dit Edika, est pourtant décédé le 16 décembre 2025, une journée avant de fêter ses 85 ans.
Maître de l’absurde, des jeux de mots désopilants et des dialogues décalés, sa disparition nous confirme que la vie est décidément Débiloff profondikoum, du nom de son premier album paru en 1981. L’inventeur des bouglous à sens-giratoires inversés laisse derrière lui, une galerie de personnages éplorés, Bronsky Proko bien sûr mais aussi son épouse Olga, Paganini (le fils), George (la fille), ainsi que de nombreux punks crado, de gros costauds patibulaires, des mémés que l’on oublie puis que l’on égare, des curés et des bonnes sœurs peu recommandables, des bimbos aux poitrines opulentes, Monsieur Rachid le Myope et enfin surtout, Clark Gaybeul, le chat vert en slip devenu son personnage emblématique.
Clark Gaybeul, le chat vert en slip devenu le personnage emblématique d'Edika
© Fluide Glacial
Né en Égypte, à Heliopolis en 1940, Edika rejoint la France au mitan des années 70, après un passage par le Liban. « Je ressentais très fort tout ce que faisait Gotlib. C’était très proche de mon monde intérieur » déclarait-il en 2024 aux Cahiers de la BD. Pas étonnant dans ces conditions, que le jeune Edouard « ne rêve « que d’une chose : rejoindre Fluide Glacial » (Les Cahiers de la BD - Juin-Septembre 2024). Après quelques collaborations aux éditions Vaillant, à Charlie Mensuels et à Métal hurlant, il rejoint le journal d’Umour et Bandessinées pour en devenir le pilier et le recordman du nombre de couverture (83 en tout).

Couverture du Fluide Glacial numéro 223, 1995
© Fluide Glacial
Retracer la vie d’Edika, c’est se payer une bonne tranche de rire. Dans la France des années 80, 90 et même 2000, déjà morose car déjà en crise, il faut se souvenir de ses pages lues en douce chez le libraire, de ses affiches sur les kiosques à journaux et de ces fous-rires incontrôlés que causa l’auteur. Si le dessinateur était connu pour sa gentillesse, sa simplicité et même timidité, il convient de rappeler combien il fut débridé dans ses planches, comme une suprême transgression pour celui qui disait avoir « reçu une éducation très stricte chez les jésuites » (Les Cahiers de la BD - Juin-Septembre 2024). Docteur Edouard et Mister Edika en quelque sorte - presque finalement La Double Vie de Clark Gaybeul.

Extrait de la couverture du Fluide Glacial numéro 182, 1991
© Fluide Glacial

Extrait de planches - Bronsky Proko et son épouse Olga
© Fluide Glacial
On ne peut en tout cas que saluer l’audace créatrice d’un grand artiste qui a su pointer notre vie absurde et rire de nos travers (mais aussi des siens) faits de colère, d’envie, de jalousie, de peur, de sexe, de dégoût, d’obsession, de gêne… Derrière l’humour absurde et les dialogues foutraques, se cache ainsi un fin observateur de la condition humaine, dont la mort en illustre le plus parfait non-sens.

Couverture de Tshaw, T.8 par Edika, 1985
© Fluide Glacial
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