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La planche de la semaine : Johnny Hazard de Frank Robbins

Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Comics, découvrez la planche #20 : Johnny Hazard de Frank Robbins

La planche de la semaine : Johnny Hazard de Frank Robbins

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier

Né en 1917, Frank Robbins suit des études artistiques, avant de s’orienter vers la bande dessinée et la peinture. Il travaille également pour le studio de cinéma RKO. Il reprend Scorchy Smith (dessiné auparavant par Noel Sickles) en 1939, puis crée Johnny Hazard en 1945, qu’il dessine dans la presse quotidienne jusqu’en 1977. Les lecteurs européens connaissent moins son travail dans les comic books, mais il a beaucoup travaillé pour les deux grandes compagnies que sont DC et Marvel en reprenant Batman, Captain America, Daredevil, Ghost Rider, Flash… Frank Robbins est mort en 1994.

Cette page du dimanche (strip du 4 février 1968) est typique du style flamboyant de Robbins. L’influence de Milton Caniff est patente dans l’emploi contrasté du noir et blanc, qui n’évite pas un certain maniérisme. Johnny Hazard, c’est à la fois le plaisir du classicisme et l’amorce de son dépassement par exagération du modèle : la série abonde en rebondissements spectaculaires, jolies femmes vénéneuses, et méchants superlativement mauvais… . La vraisemblance (des péripéties, des attitudes, des dialogues) cède le pas aux effets de style, qui emportent l’adhésion du lecteur, séduit par l’élégance et le panache d’un récit constamment référentiel.

Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud

Frank Robbins fait partie de ces dessinateurs précoces qui se font remarquer dès leur plus jeune âge. Quand il commence à travailler sur le strip de Scorchy Smith pour l'Associated Press, il n'a 21 ans et une belle expérience professionnelle derrière lui. Son style est déjà très sûr, inspiré des maîtres Milton Caniff et Noël Sickles. Néanmoins, les 4 ans qu'il passera sur la série vont lui permettre d'affiner son trait et de se démarquer de ses grandes influences pour développer une esthétique plus personnelle, à base de contrastes très forts, de cadrages audacieux et d'un sens aigu de la fluidité narrative.


Il rejoint la King Feature Syndicate de Hearst en 1944, en proposant sa propre série, Johnny Hazard, qui s'inscrit complètement dans la même veine que ce qu'il faisait jusque-là. Très vite, il s'impose comme un dessinateur exigeant et solide qui va marquer à son tour les générations suivantes.

Sur cette planche de Sunday strip (planche du dimanche) qui date de 68, on voit que le trait est nettement plus « jeté » qu'à ses débuts sur la série, l'encrage est plus vif, tout en gardant cette élégance dans la gestion des noirs, les plis, les reflets, les expressions. On verra, par la suite, quand il travaillera chez DC d'abord, sur Batman, que, même s'il n'a rien perdu de sa maîtrise de la lumière, son trait s'est progressivement et très nettement stylisé aussi. Et c'est déjà le cas sur cette planche, comme on peut le voir sur le visage en gros plan et dans le quart profil de la seconde case.

Le coup de pinceau est rapide et tout de suite très efficace, bien qu'on sente les automatismes qui prennent le relais çà et là. Ce balancement entre classicisme esthétique et cette modernité plus dynamique où s'alternent les champs/contre-champs qui rythment la lecture de cette page fait de cette planche une belle démonstration du talent de l'artiste qui reste, à cette époque, un artiste extrêmement productif.

Tout est efficace dans cette mise en scène : fluide, il n'est pas nécessaire de lire les textes pour comprendre globalement de quoi il s'agit. C'est le propre de ces strips qui proposaient des aventures en flux tendu, avec des intrigues qui pouvaient certes se répéter, mais qui se déroulaient en continu, captivant, chaque jour, les lecteurs. Du feuilleton graphique dans la pure tradition, fait de récurrences, de figures iconiques, de cliffhangers qui ponctuent chaque fin de strip pour donner envie de lire la suite le lendemain.

La planche de la semaine : Johnny Hazard de Frank Robbins

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