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La planche de la semaine : Les Pionniers de l’espérance par Raymond Poïvet et Roger Lécureux

Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Science-Fiction , découvrez la planche #27 : Les Pionniers de l’espérance par Raymond Poïvet et Roger Lécureux.

La planche de la semaine : Les Pionniers de l’espérance par Raymond Poïvet et Roger Lécureux

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier

Dans le droit fil d’une science-fiction d’aventure largement influencée par la production américaine écrite et dessinée depuis les années 20, Les Pionniers de l’espérance ont, à partir de 1945 dans l’hebdomadaire Vaillant, enchaîné les aventures palpitantes. Le modèle du scénariste Roger Lécureux et du dessinateur Raymond Poïvet est au départ Le Flash Gordon d’Alex Raymond, dont ils reprennent l’esthétique et les thématiques, avec cependant des différences de taille : là où Flash Gordon est un héros solitaire et conquérant, les Pionniers sont un groupe de quatre personnes qui représente la diversité des races et des cultures humaines (un Français, une Américaine, un Soviétique et une Chinoise). Tout en dispensant leur lot de paradoxes temporels, voyages au fond des galaxies et changements de dimension, Les Pionniers s’éloignent de leur modèle en prônant la tolérance, l’échange et, si l’on peut dire,« l’amitié entre les peuples ».


Mais ce qui, sur le long terme, fait le prix de la série est l’évolution graphique de Poïvet. Son classicisme initial évolue vers une épure qui privilégie les corps et leurs mouvements, alors que les décors sont simplement esquissés. Le travail à l’encre de Chine est remplacé par une technique mixte, Poïvet mêlant les traits au feutre avec l’usage du stylo-à-bille. Ces suites de vignettes «inachevées», témoignant d’une maîtrise éblouissante, sont pour beaucoup dans le charme particulier de cette saga qui s’interrompit en 1973.

Raymond Poïvet fut d’abord, avant-guerre, décorateur, dessinateur de mode et de publicité. Si l’on peut considérer que Les Pionniers sont le grand œuvre de sa carrière, on aurait tort de négliger le reste de sa production: il a aussi publié des récits d’aventures dans nombre de titres de la presse enfantine. Illustrateur pour la presse féminine dans les années 1950, il participe également aux premières années de Pilote, dessine dans les années 1980 sur unscénariode Jean-Pierre Dionnet (Tiriel), et à côté de commandes qu’il réalise pour la presse jeunesse, produit seul des albums aux scénarios parfois surprenants (Opus 4).

Excellent pédagogue, il a travaillé pendant des années dans un atelier parisien où sont passés quelques-uns des grands noms de la bande dessinée des année 50 à 80 (Nortier, Gaty, Gigi, Mandryka...).

Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud

La planche présentée ici se situe plus ou moins vers le début de l’histoire « Le jardin fantastique », publiée dans les pages de Vaillant, en aout 1952. Thanga, Rodion et Sin-Lu partent à la recherche de Maud malencontreusement réduite à la taille d’un insecte à cause de l’invention du professeur Dickens. Perdus dans un paysage aux dimensions gigantesques, les trois aventuriers et le scientifique doivent faire face à tous les dangers qui se présentent, les insectes, les poissons, etc. Nous voyons donc ici Rodion, qui vient de glisser dans une fosse, face à face avec une courtilière qui se rapproche de lui, le poussant à se réfugier dans des tunnels de plus en plus petits, avant d’être sauvé, un peu plus tard, par une sauterelle…

Poïvet reste fidèle à une tradition classique, perpétuée auparavant par d’autres grands maîtres comme Alex Raymond ou Hal Foster : le texte accompagne les illustrations, sans pour autant ouvrir sur des bulles de dialogue.

Néanmoins, cette technique a aussi tendance à répéter, de manière redondante, par le texte ce que l’image montre. À cette époque, les artistes travaillaient autant sur des textes illustrés, sur des strips pour les revues, les journaux que sur des planches de BD. Le langage se mêlait régulièrement de l’un à l’autre et, comme sur cette planche, pouvait amener une lecture qui se référait autant à la BD qu’aux pulps.

Toutefois, le trait de Poïvet témoigne d’une incroyable virtuosité dans la gestion des noirs et des blancs, dans les volumes, les ombres, l’anatomie, dans le dynamisme qui ajoute une fluidité à la moindre scène. Tout est extrêmement bien équilibré, qu’il s’agisse des champs/contrechamps, des plans rapprochés ou plus larges. En une planche, l’artiste montre qu’il maîtrise parfaitement les codes de la bande dessinée et nous emmène par le bout du nez d’une case à l’autre.

Transcendée par le noir et blanc, où excellait Poïvet, cette planche nous démontre surtout combien il était l’un des grands maîtres du 9ᵉ Art.

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