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La planche de la semaine : Patamousse par Edmond-François Calvo

Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Patrimoine , découvrez la planche #28 : Patamousse par Edmond-François Calvo

La planche de la semaine : Patamousse par Edmond-François Calvo

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier

Edmond-François Calvo a commencé une carrière de dessinateur de presse professionnel en 1938. Elle s’est achevée vingt ans plus tard, en 1958, en plein milieu d’un épisode de Moustache et Trottinette, qu’il dessinait alors pour l’hebdomadaire Femmes d’aujourd’hui.

Né en 1892 à Elbeuf d’une ascendance hispano-italienne, Edmond-François Calvo a laissé le souvenir d’un homme affable, au physique imposant. Il participe à la guerre de 1914-1918, et une fois démobilisé, gagne sa vie en dirigeant en Normandie une usine de fabrication de galoches, puis succède à son beau-père à la direction d’une fabrique de boucles de ceinturon. Avec sa femme, il reprend dans les années 1920 un hôtel-restaurant dans la bourgade de Pont-Saint-Pierre, qu’il tiendra jusqu’à leur départ pour Paris en 1938. Il dira plus tard à l’un de ses collègues dessinateurs qu’il était le meilleur client de l’établissement. Bien que n’ayant jamais suivi d’éducation artistique, il mène, en parallèle à ses activités professionnelles, une florissante carrière de dessinateur, sculpteur et parfois même peintre amateur.

À partir de 1919, il publie des illustrations dans Le Canard enchaîné, L’Esprit de Pariset Floréal, et réalise des sculptures en bois dont la plupart sont données aux amis et connaissances. Dans les années 1930, il participe irrégulièrement au Salon des humoristes, qui expose des dessins et sculptures.

À la naissance de leur première fille et poussé par son épouse qui sent bien que le véritable destin de son mari est dans le dessin, Calvo vend l’hôtel-restaurant et, avec sa famille, «monte» à Paris. Il collabore immédiatement avec les éditions SPE, éditeurs historiques des Pieds Nickelés. Doté une prodigieuse fécondité, Calvo entame alors une carrière qui le voit multiplier les publicationset produire un nombre phénoménal de pages.

La postérité a à juste titre retenu La Bête est morte ! , prodigieuse tentative d’explication de la Deuxième Guerre mondiale par le biais de la métaphore animalière, réalisée à partir de 1942 dans la clandestinité avec les scénaristes Dancette et Zimmerman et destinée aux enfants, mais c’est toute l’œuvre de Calvo qui mérite redécouverte et réévaluation.


Relevant exclusivement du genre animalier, les planches de Patamousse ont été dessinées et publiées pendant la Seconde Guerre mondiale, sans doute juste avant, ou en même temps que La Bête est morte !. Elles sont réalisées en noir et blanc et n’ont bénéficié, lors de leur première publication que de reproductions fort médiocres. Oscillant entre la chronique forestière et le récit fantastique, les trois épisodes de Patamousse jouent sur la mise en abyme : une fois conte fantastique, une autre fois enquête policière présentée comme une projection de film auxquels sont conviés les habitants des sous-bois. Certaines pages sont justement célèbres : l’entrée en scène d’un loup borgne et altéré de sang, la course sinueuse d’une baleine en pleine mer...ou comme ici, un cortège animalier au cœur de la forêt.

On a dit plus haut que Calvo avait été patron d’un hôtel-restaurant. On remarquera le traitement humoristique et plein de vivacité de tous les personnages, qui contraste avec le dessin minutieux de la végétation : les troncs et branches d’arbre sont travaillés avec une débauche de petits traits dont l’accumulation, dans un autre contexte pourrait tirer vers le fantastique. Les connaisseurs le savent bien : Calvo sait être inclassable et cette planche n’est pas la seule où des personnages tout en rondeurs comiques traversent des forêts aux recoins sombres et aux racines inquiétantes...

Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud

Quand on regarde une planche de Calvo, on sent le plaisir dans le trait, dans les expressions, dans cette volonté de lier une certaine forme de minimalisme et des petits détails dans les coins. Les formes sont rondes et expressives. Et dès que c’est possible, Calvo s’autorise de très belles pleines pages qui lui permettent de jouer avec les verticales, de nourrir son dessin de davantage de nuances, comme on peut le voir dans cette superbe planche.

Patamousse rentre donc après un long voyage qui l’a amené jusqu’à la Lune, puis qui s’est terminé à dos de cachalot. Célébré par tous et intronisé comme Grand Héros par les autorités, le jeune lapin revient donc chez lui, sous les acclamations de ses amis qui admirent ses exploits. Trois albums se suivront ensuite, entre 43 et 46, avant d’être compilés en 74 et en 78 par Futuropolis. C’est un personnage typique des univers animaliers de Calvo, même si dans cette courte histoire l’auteur reste dans un registre assez bon enfant, qui déborde de générosité.

On sent cette volonté de sortir gentiment des conventions de la page traditionnelle, comme il peut aussi le faire dans les pages précédentes. Calvo est peut-être surtout un illustrateur qui conçoit chaque page comme un ensemble : les cases du haut et du bas sont assez épurées, pas trop de contrastes, ni de décors. Elles amènent un très agréable contrepoids au grand plan central et ses multiples ombres, avec cet arbre aux branches tordues, au tronc noueux, recouvert de lapins extrêmement vivants.

Une belle invitation pour redécouvrir l’œuvre de ce grand artiste.

La planche de la semaine : Patamousse par Edmond-François Calvo

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