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La pause furyô

Avec la traduction de Crows d'Hiroshi Takahashi chez Kana et l’arrivée prochaine d’Astro Royale de Ken Wakui chez Glénat, le furyô est plus que jamais d’actualité. Qu’est-ce qui peut expliquer ce succès ?

D’abord, le furyô, qu’est-ce que c’est ? C’est un des genres propres aux mangas qui définit des histoires de « jeunes délinquants » dans un cadre scolaire, collège ou lycée. Cependant, s’il est principalement question de bandes qui s’opposent pour des raisons territoriales, le furyô véhicule aussi, en substance, des valeurs intéressantes, telles que l’indépendance, l’anticonformisme, mais aussi l’esprit de groupe, qui permettent au lectorat de se projeter à travers certains personnages ou tout du moins d’en comprendre les motivations.

Un peu d’histoire

Bien que le furyō émerge de façon plus ou moins embryonnaire dès les années 60 avec des séries comme Yuuyake Banchô(1968) ou Otoko Ippiki Gaki Daishô (1969), il faudra attendre le milieu des années 70 pour commencer à vraiment voir des titres préfigurer le genre, comme Otokogumi (1974) de Tetsu Kariya et Ryōichi Ikegami, par exemple. Le furyô s’inspire alors de plusieurs éléments qui vont de la scène rock de l’époque, de la mode qui en découle, mais aussi, du cinéma américain, qu’il s’agisse de The Wanderers, American Graffiti, où l’on met en scène des bandes de jeunes qui se marginalisent, se livrant des guerres passionnelles assez violentes. Ajouté à un cadre social marqué par des scandales politiques, des mouvements étudiants et aussi des gangs banchō ou sukeban qui défraient la chronique, il était logique que les éditeurs de mangas y voient l’occasion de redynamiser l’industrie avec des propositions plus en phase avec la société.

Toutefois, s’il fallait vraiment citer un marqueur important, la sortie en 1983 de Be-bop High School de Kazuhiro Kiuchi est évidente. L’auteur pose les bases du style furyô telles qu’elles vont ensuite se perpétuer. Que ce soit sur le plan vestimentaire avec le gakuran qui devient, pratiquement, le symbole du genre, ou même la coupe de cheveux très typée des personnages. Quelques années plus tard, en 1986, Rokudenashi Blues, de Masanori Morita, va ajouter une exigence esthétique, mais surtout un réalisme des histoires très marqué.

Extrait du manga

Extrait du manga " Rokudenashi Blues T.20 " de Masanori Morita
© Pika, 2025


Miroir du lecteur

Néanmoins, même s’il ne s’agit que d’un genre de niche, la sauce prend grâce au charisme des personnages qui attirent les jeunes Japonais qui se reconnaissent dans ces gars refusant le conformisme qu’on leur impose, et défendent leur territoire bec et ongle. Dans les années 90, d’autres titres viennent grossir les rangs, installant plus durablement le furyô, comme Young GTO de Tōru Fujisawa et Crows de Hiroshi Takahashi, en 1990, pour ne citer que les plus gros du moment. Malgré tout, en France, le furyô reste encore assez marginalisé. Après tout, il s’inscrit très profondément dans une réalité japonaise dans laquelle on ne se reconnait pas forcément ici. Il faudra attendre des titres qui se réapproprient les codes en les métissant, comme Tokyo Revengers (2017) ou Nine Peaks (2022) avec cette petite touche de fantastique et une esthétique plus moderne, pour observer un regain d’intérêt du lectorat français qui a entre-temps évolué.

Extrait du manga

Extrait du manga "Astro Royale T.1 " de Ken Wakui
© Glénat, 2025

L’accès plus facile à la culture japonaise qui permet de sortir des éléments plus locaux, comme la vie dans les lycées japonais, ainsi que l’effet d’identification, pèsent dans la balance. Le héros furyô devient alors l’archétype du rebelle charismatique qui s’affirme vis-à-vis d’un système trop cadré. Comme peut justement l’incarner Kongo Yotsurugi, dans Astro Royale, de Ken Wakui, qui décide de s’opposer aux membres de sa famille du clan Yotsurugi pour aider les plus démunis et ainsi perpétuer l’esprit que son père avait instauré au fil du temps.

Le furyô gagne ainsi une nouvelle popularité assez surprenante, au-delà du seul marché japonais, en explorant des voies inattendues.

Article publié dans le Mag ZOO Manga N°21 Septembre-Octobre 2025

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