ZOO

Violette Nozière, victime ou criminelle

Camille Benyamina et Eddy Simon signent Violette Nozière, vilaine chérie. Pour le plus grand nombre, Violette Nozière reste une jeune fille qui n’a pas hésité à empoisonner ses parents. Un fait divers qui a marqué les années trente. Et pourtant Eddy Simon, scénariste de l’album, lui trouve des circonstances atténuantes. Retour sur un personnage à états d’âme pas aussi simple que l’on croit.

Le cas Violette Noziere

Pourquoi Violette Nozière ?

Eddy Simon : J’avais écrit un bouquin sur les grandes affaires criminelles en Seine-Maritime. Le cas de Violette Nozière en faisait partie. J’ai pensé que cela ferait un scénario fabuleux. Je l’ai proposé à Camille dont j’aime beaucoup le style.

Camille Benyamina : Nous avions travaillé ensemble sur un projet collectif, une version très poétique du Kama Sutra éditée à La Martinière.

Violette est un personnage complexe.

E.S. : Oui car elle joue un rôle, comme au théâtre. Elle rêve du prince charmant, de la grande vie. Elle ment en permanence et cela fonctionne. On la croit, personne ne l’arrête. Même sa mère sait et ne fait rien.

C.B. : Pourtant, Violette ne manque pas d’amour. Elle fait ce qu’elle veut, sans cadre.

E.S. : Elle est déscolarisée à seize ans, rentre chez elle tard le soir et raconte n’importe quoi à ses parents.

Comment avez-vous écrit le scénario ?

E.S. : Je me suis basé sur le témoignage de la mère de Violette et ses souvenirs. Sa mère est très lucide. Elle a compris et elle menace sa fille. Quant au titre, vilaine chérie, c’est le surnom que donnait son amant à Violette.

Violette ira loin quand elle sera jugée. Elle accusera son père d'inceste et sa mère lui en voudra beaucoup. Comment avez-vous matérialisé l'ensemble de ce fait divers?

E.S. : Concernant les accusations, pour le père rien ne le prouve. Par contre pour le grand-père c’est possible. Un vieux dégueulasse comme dit le père qui refuse de lui parler.

C.B. : J’ai aimé l’ambiance de cette époque des années trente. Eddy avait un scénario très avancé et le personnage de Violette était très intéressant. J’ai réalisé deux planches et on les a envoyées aux éditeurs. Casterman s’est décidé très vite, il y a maintenant deux ans. On est parti sur les 86 planches qui se sont imposées d’elles-mêmes pour bien raconter l’histoire. Le dessin est traditionnel, crayon, encrage mais la couleur est faite sur ordinateur.

Un charme vénéneux

Qu'est ce qui vous a séduit justement dans l'histoire ?

C.B. : Hormis l’ambiance, j’adore le côté noir. J’aime les polars, les enquêtes un peu morbides. Je me suis habituée à Violette. Elle est perdue et en devient attachante. Elle est douée, capable de s’exprimer en public.

E.S. : Elle va même réussir à obtenir des médicaments mortels d’un pharmacien, sans qu’il ait de doute. C’est une charmeuse. Elle subjugue les gens.

C'est votre premier album solo, Camille ?

C.B. : Oui et même pas peur. (Rires). Et je vais dédicacer. Celle que je vous fais c’est la seconde pour cet album.

Vous semblez l'un et l'autre être tombés sous l'emprise de Violette Nozière ?

E.S. : C’est vrai. Je pense qu’elle a été victime de son entourage, du rôle ambigu de sa mère. Je suis un de ses fervents défenseurs. Elle a des circonstances atténuantes. Difficile de savoir vraiment. Il y a l’empathie du personnage. Même si à l’époque, on constatait qu’un enfant pouvait avoir envie de tuer ses parents, il est très rare que celui-ci passe à l’acte. Et quand c’est le cas, 90% des meurtriers sont des garçons.

C.B. : De case en case, je me sens de plus en plus proche d’elle.

Elle a un charme vénéneux, en particulier quand on regarde votre dessin, son regard.

C. B. : Elle aura pourtant ensuite une vie sans histoires. Elle fondera une famille et ne parlera pas de cet épisode. Ou peu.

E.S. : Elle sera graciée, retrouvera ses droits, ce qui est rare mais sa fin de vie sera tragique. Elle a payé sa dette.

Vous aviez vu le film de Chabrol avec Isabelle Huppert qui jouait Violette Nozière ?

C.B. : Oui mais une fois seulement. Je ne voulais pas me laisser influencer.

E.S. : Isabelle Huppert est plus dans son propre personnage que dans celui de Violette Nozière. Le film de Chabrol est toutefois excellent.

Après la biographie d'une empoisonneuse, vous avez d'autres projets ?

E.S. : Nous allons tous les deux adapter le roman de Malika Ferdjoukh, Chaque soir à 11 h. Toujours une histoire très prenante, sombre avec tentatives de meurtre. L’héroïne, Willa, est aussi un personnage atypique, romantique. Le scénario est fini : sortie prévue en 2015.

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants