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À la dérive : Xavier Coste et deux Américains à Paris pour un casse aquatique

Xavier Coste, après Rimbaud l’indésirable, est parti À la dérive. Jeu de mot facile sur le titre de son superbe nouvel album qui se passe Paris en 1910 sous les eaux de la crue du siècle. Un évènement qui a inspiré Xavier Coste pour mettre en scène un casse aquatique mené par un couple d’Américains. Avec son dessin enlevé, inspiré et émouvant, Xavier Coste est un jeune auteur qui, à chaque nouvel album, confirme son talent. Pudique, Xavier Coste s’est confié à culturebd.

Pourquoi Paris en 1910 ?

Quand j’ai travaillé sur Rimbaud j’ai trouvé des photos de Paris sous les eaux. Je suis tombé sous le charme de cet évènement étonnant, un peu surréaliste. Et j’ai eu envie de dessiner cette époque, celle de cette grande crue de 1910 qui a inondé Paris. Il me fallait trouver un prétexte, une histoire pour assouvir ma curiosité.

D’où ce casse dans une banque envahie par les eaux ?

Oui. En réalité, ce cambriolage a eu lieu en 1903 et effectivement à l’American Express près de l’Opéra. Il a été réalisé par Eddie Guérin et Chicago May. Il y avait bien dans la banque un gardien noir comme dans mon album.

Hormis la crue, vous avez ces deux héros, un couple qui est pris au piège et qui se transforme en braqueurs ?

Ils sont criblés de dettes. Lui est Américain, joueur. Elle se prostitue pour l’aider  financièrement. Au départ, j’avais choisi la femme comme personnage principal. J’ai réécrit le scénario et tout le rôle d’Agathe, qui a conservé un rôle important en particulier pendant le casse où elle fait le guet. Je la montre en extérieur en contre-champ.

La crue est la toile de fond ?

Je n’ai pas voulu faire un album sur 1910, ni un reportage. Ce sont les documents photographiques qui m’ont inspiré. J’ai, dans l’album, exagéré les perspectives dont la vue de la Tour Eiffel baignée par la Seine.

J’ai ajouté une pointe de fantastique à l’ensemble, qui est une fiction. Même si le vrai cambrioleur a, comme mon héros, fini au bagne de Cayenne. 

Après le cambriolage et la fuite avec sa complice, il est arrêté, pas elle. Il est jugé et condamné au bagne ?

Eddie voulait « prendre Paris ». Il essaye de tout maîtriser. Mais sa complice, Agathe n’a pas d’état d’âme, on le voit. Le couple bat de l’aile. Elle va prendre un nouveau départ. Il fallait que ce soit brutal.

Quand Eddie est à Cayenne, il va tout faire pour s’évader pour tenter de la retrouver.  Le destin de Papillon, ancien bagnard qui a écrit sa biographie, adaptée au cinéma avec Steve Mac Queen et Dustin Hoffman, m’a inspiré.

Eddie va réussir son évasion avec des complices qui aimeraient bien qu’il dise où il a planqué l’argent du casse. Ils avaient prévu de le torturer. Le récit de sa cavale étonnante existe dans les journaux de l’époque. J’ai laissé la fin un peu ouverte.

Comment avec-vous bâti votre scénario, puis mis en images ?

J’aime bien dès le départ tracer les grandes lignes. J’écris et je fais le story-board. Je vois ainsi l’histoire se matérialiser. Elle peut évoluer, des idées peuvent venir. Je me raisonne sur le nombre de pages. J’avais 64 pages mais Casterman m’avait laissé libre. Je travaille pour les couleurs avec un mélange d’aquarelle et d’acrylique en direct.  Dans la veine de Bilal pour qui j’ai un grand respect. J’ai essayé l’ordinateur mais sans plus.

Vous montrez aussi les premiers pas de la police scientifique ?

Bertillon, celui des empreintes digitales, va monter un dossier sur Eddie. La réalité devient fiction et j’avais envie de parler de ses méthodes. Il a un petit côté Professeur Tournesol. J’ai mélangé les genres.

Le sujet s’avère aussi romantique. On commence par un polar, puis je traite de la notion de couple, de son évolution en situation critique. J’ai besoin de m’échapper dans mes albums.

Vous allez aussi vous échapper dans vos prochains titres ?

C’est toujours ma priorité. Je travaille sur un nouveau projet chez Casterman avec Olivier Cotte au scénario. C'est un récit de science-fiction et d'aventure librement inspiré d'Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad. Le titre provisoire de notre projet est Les Cœurs qui battent dans les ténèbres, et l'album présentera la planète presque entièrement recouverte d'eau, ce qui me permettra de refaire quelques illustrations en pleine page. Je rêvais depuis longtemps de faire de la science fiction et l'occasion s'est enfin présentée.

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