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Lisa Mandel démèle la jungle humaine

Rapporter le quotidien de la Jungle de Calais

Vous avez aussi lancé Les Nouvelles de la Jungle, blog sur lequel vous racontez la vie dans la jungle de Calais. Comment l’idée a-t-elle germé ?

En regardant les informations, tout simplement. J’étais à la fois choquée et fascinée par ce camp qui grossissait à une allure hallucinante. Au début je ne me sentais pas légitime de m’exprimer sur ce sujet, vu que je n’étais pas directement impliquée dans cette crise. Puis j’ai rencontré Laurent Cantet, un porte-parole de l’Appel de Calais [mouvement d’artistes et intellectuels engagés dans la cause des réfugiés N.D.L.R.]. Je me suis donc rendu quelques jours sur le camp, en compagnie de Yasmine.

Extrait des Nouvelles de la jungle : premiers jours à Calais

Extrait des Nouvelles de la jungle : premiers jours à Calais

Dès le premier jour, j’étais frappée par l’insalubrité des lieux. Voir toute cette gadoue, ces restaurants à l’architecture bizarre, ces mines fatiguées mais en même temps pleines d’espoir : ça m’a fait l’effet d’une claque ! On était vraiment dans une zone de non-droit. En plus, le jour de notre arrivée, les politiques avaient annoncé le démantèlement de la seconde partie de la Jungle. Face à cette urgence, Yasmine et moi avons tout lâché pour témoigner en direct des conditions de vie des migrants. Le lendemain, on avait déjà lancé les Nouvelles de la Jungle !

Pendant quatre mois, Yasmine et vous avez posté sans relâche sur ce blog. Comment composiez-vous ces publications ?

Yasmine et moi travaillions de façon complémentaire, car on avait une approche différente. Elle s’était plutôt rapidement adaptée à la vie de la Jungle. Son expérience de sociologue lui a servi à échanger facilement avec les migrants, les bénévoles mais aussi les pouvoirs publics. Sa méthodologie a permis de structurer notre observation.

Extrait des Nouvelles de la jungle : derniers jours dans le petit camp de Choques

Extrait des Nouvelles de la jungle : derniers jours dans le petit camp de Choques

De mon côté, trouver ma place dans toute cette agitation m’a demandé plus de temps. Pourtant j’avais déjà voyagé, participé à des missions humanitaires, où je me sentais utile. À Calais, j’avais plus l’impression d’être spectatrice, sans me rendre que je décelais un milliard de petits détails que Yasmine ne repérait pas forcément. Ce sont parfois ces petites miettes qui apportent de l’humain aux planches. Chacune de nous avait ses qualités, qu’on fusionnait pour donner vie à nos billets !

Dans les témoignages que vous rapportez, on sent une volonté de laisser la parole à tout le monde…

Les ravages causés par la Jungle dépassent les frontières du camp. Je trouvais important de ne pas traiter cette situation que par un seul bout de la lorgnette. Il fallait interroger réfugiés, bénévoles mais aussi Calaisiens et forces de l’ordre, pour montrer qu’au final, tout le monde souffre de cette histoire.

Extrait des Nouvelles de la jungle : les Calaisiens

Extrait des Nouvelles de la jungle : les Calaisiens

Je tenais énormément à offrir cette vision nuancée de la crise migrante, dont certains journalistes ont tendance à s’écarter dangereusement. Beaucoup débarquent habillés en reporters de guerre et attendent des heures la moindre cabane qui brûle pour sortir la caméra. Pourtant, les images qu’ils nous montrent sont à des kilomètres de la réalité de Calais ! Le campement a ses trafics douteux, mais ça n’est pas ce que nous avons vécu au quotidien. Je ne prétends pas détenir la vérité, mais j’essaie d’être honnête...

Est-ce que cette expérience vous a inspiré de futurs projets ?

Plein ! Une édition papier des Nouvelles de la Jungle est prévue en hors-série chez Sociorama pour janvier 2017. Même après notre séjour, on continue à garder à un œil sur le camp et son démantèlement...

Extrait des Nouvelles de la jungle : le démantelement

Extrait des Nouvelles de la jungle : le démantelement

On m’a aussi proposé de faire de la BD reportage au Liban, ainsi que sur les bateaux de Médecins sans Frontières. Je prépare également le troisième tome d’HP, dans lequel j’explore les services de nuit dans les asiles.

Après je vais enchaîner sur de la BD jeunesse avec une amie, histoire de faire une pause sur le tourisme atroce ! [Rires.]

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