Le projet En petite robe jaune est notre élule de janvier. Sa scénariste, Emma Lepoivre, y raconte avec humour son enfance dans une famille accro à toutes sortes de substances. Son récit mis en BD par le trait rond de Fanny Vella est encore en financement sur Ulule durant 3 jours. Les deux autrices nous ont raconté sa genèse, atypique...
Pourquoi avoir choisi de mettre en BD (humoristique) votre enfance, plutôt mouvementée ?
Emma Lepoivre : On m'a souvent dit : « Tu devrais écrire un livre ! » J'ai essayé, mais ça me paraissait énorme, lourd, je m'ennuyais moi-même rien qu'en m'imaginant lire mon histoire ! [Rires]
Quand j'étais ado, ma mère me rappelait souvent qu’il fallait que je m'imagine dans une BD, et qu'alors les choses me paraîtraient plus drôles. C’est d’ailleurs ma mère qui nous a souvent fait vivre les pires situations comme des gags, justement. Tout est dédramatisé et dans l'exagération en plus : c'est très facile à exploiter pour créer une BD avec Fanny !

Fanny Vella : Il y a encore quelques mois je ne proposais uniquement aux particuliers d'immortaliser leurs souvenirs. Emma m'avait contactée pour réaliser une petite planche BD pour son futur mari, retraçant leur histoire en quelques cases.
On a eu chacune un coup de cœur pour l’autre lors de la création de cette mini-BD. Quand elle est passée par Lyon, où je vis, on s’est rencontrées et elle m’a proposé ce projet un peu fou ! La sensibilité et l'intelligence d'Emma m'ont de suite convaincue que ce serait un joli texte... et son histoire a fini de me persuader parce qu’elle marque ! Le luxe supplémentaire dans cette aventure, c’est qu’Emma et Alexandre [Gros, co-fondateur de la maison d’édition Big Pepper avec Emma Lepoivre N.D.L.R.] m’ont fait confiance et ont laissé de la place à ma créativité.
Emma, comment choisissez-vous les faits à mettre en BD ?
Emma Lepoivre : Je choisis les anecdotes en fonction de l'impact que les événements ont eu sur moi. J'ai relu mes journaux intimes mais finalement je les ai peu utilisés, c'est surtout mes souvenirs qui me guident. Et puis ceux de mes parents, en ce qui concerne la grossesse et l'accouchement, qui n'ont vraiment rien d'anodins, selon nous, et dont évidemment je ne peux pas me souvenir.
Vous êtes-vous autocensurée lors des choix de moments à raconter ?
Emma Lepoivre : Je ne me suis auto-censurée que sur un point : je tiens vraiment à ce que rien ne dévie de la réalité. Je parle essentiellement de mes parents, mais inévitablement, dans la BD, j'en suis venue à évoquer aussi mes relations amoureuses à l'adolescence. Au départ je voulais mettre les prénoms, les vrais, et faire en sorte que les personnages ressemblent le plus possible aux vrais êtres humains qui ont fait partie de ma vie, mais je me ravise gentiment...

Sur les faits et sur mes émotions, en tout cas, il n'y a pas d'auto-censure. J'ai fait lire mon récit d’abord à mes parents et de mon conjoint. Puis à mon amie d'enfance et des collègues qui me connaissaient moins, pour voir si le récit faisait sens. J'ai eu beaucoup de retours du genre « j'ai envie de rire mais en vrai c'est super triste ! », ce qui m’a rassurée sur ma démarche.
Mes parents, même s’ils ont cogité après s’être vus avec ce recul-là, ils m'ont toujours dit : « c'est ta vision des choses, on n'a pas notre mot à dire ! Si ça te fait du bien, fais-le ! »
Quelles contraintes avez-vous eues, Fanny, vu que vous travaillez sur des personnages qui existent ?
Fanny Vella : Il n'y a pas vraiment eu de contraintes selon moi, j'ai travaillé selon des photos et un scénario par planche que m’a envoyés Emma. J'ai pu proposer ce style naïf et épuré pour contrecarrer la profondeur et la lourdeur de certains passages.

Pour les premiers essais, j'étais partie sur quelque chose plus proche de ce que je fais habituellement, avec des proportions plus réalistes. Puis j'ai griffonné les personnages et spontanément, ce style plus léger est ressorti. J'ai soumis mon essai à Emma qui a dû pleurer encore une fois, vu qu'on pleure à chaque échange ! [Sourire] Emma, parce qu'elle a l'impression que je « capte » selon ses termes et moi parce que tout m'émeut chez cette nana, même quand elle explose de rire.
Pourquoi avoir choisi titre En petite robe jaune ?
Emma Lepoivre : Au début, j'étais partie sur Mes parents sont toxicos, et alors ?!, jusqu'à ce que des copains lyonnais me disent : « Ça fait un peu : « Je me suis fait une permanente, et alors ?! » » [Rires], et avec le recul je me suis rendue compte qu'effectivement cette formule était énormément utilisée.

On a cheminé, ensuite, avec Fanny, vers le titre Allumés ! avec lequel on retrouvait « hallu » d' « hallucination » dans la sonorité, pour l'aspect came, il y avait la notion de « lumière » sur laquelle Fanny avait souhaité mettre l'accent dès le départ, parce qu'en écoutant mon histoire elle avait trouvé que j'étais le soleil dans la vie sombre de mes parents. D'où la petite robe, instinctivement colorée en jaune. Jaune soleil.
Mon conjoint m’a soufflé En petite robe jaune qui est à la fois poétique et dans l'action. On l’a gardé car en plus, je suis une grande fanatique de robes, et le jaune fait écho à plein de choses en lien avec l'histoire ! Au jaune soleil donc, pour positiver. Le jaune de la jaunisse que ma mère a eu à la naissance. Le jaune des yeux quand on a une hépatite, qu'elle a eu à la trentaine, le jaune du pastis – que mes parents n'ont jamais aimé mais mon grand-père un peu... et ça reste de l'alcool ! et aussi... Le rire jaune... puisque cette BD est un concentré de second degré !

Couverture de la BD en petite robe jaune
Comment est née la palette de cette BD, en bleu et jaune ?
Fanny Vella : L'intérieur de la BD sera majoritairement en gris et jaune avec quelques planches seront entièrement en couleurs, quant à la couverture, elle est née grâce à l'énorme liberté d'action que me donnent les éditions BigPepper et Emma.
Emma avait proposé pour la couverture de « se voir petite tenant la main de l'adulte qu'elle était devenue » et quand j'ai eu cette image, je voulais quelque chose de très graphique, qui attire l’œil, rend curieux. J'ai essayé de faire la couverture qui me donnerait envie de prendre cette BD : sans trahir le lecteur en lui proposant quand même quelque chose d’épuré à l'image des planches intérieures !
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