Un homme, seul dans une immense pièce vide, attend qu’on lui annonce quel sera son destin. Pour cela, il a dû raconter son histoire, celle qui l’a mené ici, dans un monde qu’il ne connaît pas mais qu’il a tant désiré. Le long du chemin il a dû fuir, subir mais être fort, pour ne pas abandonner sa sœur et pour tenir la promesse faite a son grand-père avant de partir, celle de vivre. Ce récit poignant accompagné d’un somptueux dessin ne laisse pas indemne.
Dès les premières pages, le temps s’arrête pour nous emporter dans ce monde onirique et mystérieux où vivent d’étranges créatures. Mais petit à petit, un sentiment de déjà-vu s’empare de nous pour que cette histoire que l’on pensait lointaine se rapproche étrangement de notre réalité.
À travers le prisme du merveilleux, c’est la condition des exilés que Zabus et Hippolyte nous livrent avec sensibilité. Chaque personnage, chaque aventure est une métaphore du combat que doivent mener chaque jour des milliers de réfugiés. Contraints de fuir leur terre exploitée par des mercenaires sanguinaires, les quatre personnages principaux devront braver au cours de leur voyage tant d’épreuves, de misère et d’injustice que certains n’auront pas la force d’aller jusqu’au bout.
Le dessin d’Hippolyte sert à merveille un texte d’abord écrit pour la scène. Chaque page est une immersion dans un monde à la fois sombre et fabuleux. L’utilisation de l’aquarelle ainsi que le choix du grand format donne à cet album des allures de grimoire ou de vieux livre qui nous dévoilerait une ancienne légende. Un de ces contes qui en disent long sur la réalité…
Les Ombres, roman graphique à la fois percutant et sublime, se révèle comme un réel objet d’art. Une beauté qui ne peut nous empêcher de refermer cet album le coeur serré, éclairant une histoire aux douloureux airs d’actualité.