Une voiture contient un cadavre, une arme et de nombreuses empreintes ; le tout mène à Lartigues et Prévert. Ces deux petites frappes, en fuite, ne sont pas vraiment sûrs d’être pour quelque chose dans cette histoire… L’enquête se met en place de manière lente et terriblement hypnotique.
Quand une BD commence par la fuite de deux hommes qui semblent tout désignés pour avoir un cadavre dans le placard, on s’attend soit à une traque à grands renforts d’analyses ADN soit à une énième machination de la CIA / de Big Brother / des Illuminatis.
Heureusement Lartigues et Prévert nous entraînent dans une toute autre dimension où le polar en rase campagne est aussi tendu que Reservoir Dogs, quelques dizaines de coups de feu en moins. Savoir de qui provient le coup fourré du cadavre devient vite moins important que ce qui ce noue entre les personnages sous pression.
Le point de vue adopté par l’enquête est l’atout majeur de cette BD qui fait du lecteur la seule personne à saisir ce qui s’est passé. Entre des scènes pleines de tension contenue et les portraits en apartés, les souvenirs et les motivations de chacun surgissent. Alors comment ne pas compatir aux galères de deux branques qui ont un don pour l’échec amoureux comme « professionnel » ?
Surtout qu’avec leurs lignes épurées et leur allure monochrome, ces criminels du dimanche, nous plongent dans une narration très proche du roman graphique. Des petits riens de la vie aux menaces de mort, leur monde oscille entre les événements, bleu pâle sur fond de neige blanche, et les portraits rouge sang ou jaune défraichi. Et il nous fascine !
Lartigues et Prévert est donc une bande dessinée originale et exigeante qui ravira les amateurs de récits différents et de personnages graphiquement et psychologiquement aboutis. Elle abattra cependant l’enthousiasme des fans de polars linéaires ou de scènes d’actions nerveuses.