Parus pendant deux ans dans Le Monde, les strips verticaux de Ruppert et Mulot donnent le vertige. Leurs bonnes idées et le trait clair bien senti du dessinateur insuffle l’air nécessaire pour faire passer un humour pince-sans-rire fracassant. En faire un recueil est une idée lumineuse.
55 mm de large sur 360 de haut, ça vous dit quelque chose ? Ce sont les dimensions d’une colonne de texte dans Le Monde. De 2014 à 2016, Ruppert et Mulot ont relevé le défi de rentrer dans cette case verticale pour proposer aux lecteurs de ce canard leur vision de la société. Un snowboardeur lâché trop haut par un hélico, un clin d’œil qui redonne le sourire après les attentats, la tête d’une femme coincée dans la porte d’un bus... On en voit de toutes les couleurs.
Leur humour fin a fait la renommée du tandem, à qui l’on doit notamment l’excellente Technique du périnée. Ici, chaque case est un regard acerbe, naïf, désinvolte, dilettante, horrible... Même si ce n’est pas avec n’importe qui, on peut rire de tout comme disait Desproges. Ruppert et Mulot ne s’en privent pas et nous font grand plaisir.
Contrainte, cette colonne est aussi une porte ouverte sur l’imagination des deux auteurs. Car en une seule vignette on ne peut plus verticale et en quelques bulles, le duo donne à voir le monde sous ses plus mauvais jours, parfois ses meilleurs. La ligne claire guide assurément le travail de Mulot qui fait de la simplicité et de l’épure picturale une richesse phénoménale.
Les lecteurs du Monde qui ont apprécié ces clins d’œil trouveront en un recueil le travail des compères. Cette BD est aussi l’occasion de découvrir en bloc ce boulot mené tambour battant avec la rédaction. Le résultat est là. C’est tantôt fun, tantôt navrant. Toujours humain.