Mi roman historique, mi parabole moraliste, le roman-graphique d'Hubert et Virginie Augustin nous emmène dans l’Angleterre victorienne sur le point de devenir des plus puritaine. On y décrit la relation de dépendance entre aristocrates tous puissants et domestiques omniprésents. Un album qui met aussi mal à l’aise qu’il fascine.
Monsieur désire ? raconte la relation entre Lisbeth, servante malgracieuse et docile, et son maître aussi beau et aussi malsain que Dorian Gray. Mais sans peinture pour témoigner de la souillure de son âme, Dorian Gray demande rapidement à la petite soubrette de s’occuper de lui et prend plaisir à la faire devenir spectatrice de toutes ses turpitudes sexuelles.
Cette plongée dans la luxure ne choque pas plus le lecteur du XXIe siècle, que Lisbeth la petite servante dont on comprend en creux le passé émaillé de violence et de sévices. Dans la lignée de Miss Pas Touche, les auteurs racontent la désespérante recherche de l’amour et du bonheur par des personnages brisés pour qui la chair à défaut de l’amour est un refuge. Si Monsieur désire ? n’est pas le plus rythmé des albums, il a le mérite d’entrer pas à pas dans l’Angleterre victorienne.
Le dessin, beau et faussement naïf, illustre avec simplicité et presque bienveillance les rapports hiérarchiques figés, l’absence d’espoir et la violence qu’elle soit sexuelle ou morale. L’utilisation de tons différents lors des scènes de violence rythme l’évolution de ces personnages terriblement humains et souffrants. Mention spéciale à l’expressivité des regards, en particulier celui de l’héroïne, Lisbeth, pourtant si discrète.
Ce roman graphique vous séduira si vous aimez les romans historiques dans la lignée de La marque de Windfield de Ken Follet.