Casablanca, 1954. Le Maroc est à deux doigts d’acquérir son indépendance. Les tensions entre les ressortissants français et les Marocains est à son comble, les attentats perpétrés par les deux parties se multiplient. Dans ce brûlant contexte, Julie Ricossé nous raconte une amitié entre trois femmes et signe avec Morocco Jazz un album remarquable, tant par l’originalité de son sujet que par son traitement graphique.
Louise chante le jazz dans un palace et passe le plus clair de son temps avec ses amies Camille et Sybil, mariée avec un avocat marocain. Les trois jeunes femmes n’aspirent qu’au bonheur, Louise étant plus ou moins fiancée à Henri, officier de police. Mais une fusillade perpétrée par des colons sur une terrasse de café va très vite avoir raison de leur insouciance. Farid, l’époux de Sybil est arrêté au cours d’une manifestation sévèrement réprimée par les forces de police...
L’histoire nous est contée en flash-back alors que Louise, à présent nonagénaire, vit seule à Paris en compagnie de son chat qu’elle a appelé Henri. Son fils, Alain, et surtout son proche voisin, Claude, veillent sur la vieille dame guettée par la maladie d’Alzheimer.
Julie Ricossé aborde avec une belle inspiration cette période encore peu traitée en bande dessinée, n’étaient les Carnets d’Orient de Jacques Ferrandez sur l’Algérie. Ici aussi, sa fiction se conjugue avec les événements réels et met en valeur le contraste entre les populations et le racisme inhérent au contexte.
Son dessin rehaussé à l’aquarelle par une belle lumière, au service d’une narration bien menée, font de ce roman graphique une réussite que l’on aurait tort de bouder, même si certaines planches accusent parfois une baisse de tension au niveau de la précision de son trait. Mais, se lancer d’emblée dans un album d’une centaine de pages c’est déjà un beau pari en soi et Julie Ricossé nous réservera sûrement encore de beaux albums.