Alexandrin n'a pas volé son prénom. Colporteur de poésie, il chante la vie en vers contre un peu d'argent, car voyez-vous, il est mendiant. Voilà une bien jolie BD, au scénario ciselé et au dessin délicieusement roulé. Soyez-en sûrs, il se murmure, que cet homme plein de classe, laissera une trace dans la mémoire du neuvième art.
De villes en campagnes, de rues en routes, ce sage poète de la rue troque chez le particulier quelques vers contre un brin de menue monnaie à qui veut bien entendre ses strophes enchantées. Un beau jour, il croise un enfant en fugue. L'artiste du verbe, le roi de l'intonation, a aussi un cœur gros comme ça. Très vite, à son contact, le gosse se met aussi à ne plus parler qu'en poésie.
Le récit de Pascal Rabaté est d'une finesse extrême. A travers le chemin tortueux mais si rebondissant de ce pauvre homme si riche de poésie, c'est tout le regard sur la différence qui se lit dans les yeux des personnages dont il croise la route. De l'amitié entre le jeune et le plus vieux fleurit un slam permanent dont l'enfant ne peut plus se passer. Il se construit avec, le temps d'un bout de route et de quelques étapes cruciales. Magique.
Magique comme le dessin d'Alain Kokor. Un trait plein de folie et d'inventivité, un personnage qui s'élance dans le vent d'une vie parfois bien triste. Mais le verre à moitié plein que voit toujours Alexandrin se retrouve avec force dans le graphisme de cette fable des temps modernes au doux verni d'antan. Bien croqué, ça se croque. De ces pattes graphiques bourrées d'humanité et d'universalité.
Alexandrin. Prononcez donc ce mot et le temps chante. La terre danse sous les vers endiablés, tantôt vifs et souvent doux qui construisent cette bande dessinée. Que les auteurs en soient remerciés. Pour l'éternité. Non mais.