Ouvrier syndicaliste, Marcello, un jeune immigré italien, est aux premières loges lors des grèves dans l’aciérie Wandel quelque part en Amérique du Nord au tout début du XXe siècle. La direction finit par faire intervenir la police et le travail reprend. Les meneurs sont virés comme des malpropres. Ainsi démarre le formidable récit imaginé par Hélène Ferrarini et magistralement illustré par Damien Cuvillier.
Marcello compte épouser Louisa mais le père de celle-ci voit cette future union d’un très mauvais œil. Il mandate un ami du jeune homme pour l’enivrer et le faire enrôler sur un chantier de construction dans un prétendu Eldorado de l’Amérique centrale. Le lendemain Marcello reprend conscience sur le bateau qui l’achemine vers son nouvel emploi.
Les conditions de travail sont abominables, proches de celles d’un bagne pénitentiaire. Il se console en écrivant des lettres à Louisa qu’il espère retrouver. Mais ces plis n’iront pas loin. Par un concours de circonstances, c’est la femme de l’ingénieur du chantier, Barbara, qui les fera intercepter. Et les mots de Marcello lui permettront de mieux supporter l’ambiance tropicale et l’aideront à ne pas sombrer davantage dans la neurasthénie.
En dépit d’un dénouement qui paraîtra un peu plaqué aux yeux de certains lecteurs, le scénario d’Hélène Ferrarini, richement documenté sur ce que qu’étaient les conditions de travail à cette époque, se révèle captivant de bout en bout. Plusieurs séquences viennent montrer l’impact écologique du chantier sur la nature et sur les indigènes qui assistent, impuissants, à la destruction de leur environnement.
Le trait précis et la douce palette de couleurs de Damien Cuvillier sied admirablement aux ambiances du récit et ne faiblit à aucun moment. Son découpage éclate dans de longues séquences muettes ou des images en double page pour magnifier les décors. Une performance graphique remarquable qui le hisse parmi les jeunes auteurs sur lesquels il faudra désormais compter.