La neige en deuil

Adapter un classique de la littérature n'est jamais une mince affaire. En l'espèce, l'auteur de bande dessinée Dominique Monféry a décidé de s'attaquer à La neige en deuil, un célèbre roman d'Henri Troyat. Son récit, sensible, est illustré par un dessin qui avance entre réalisme et suggestion. Le lecteur est happé par le lien compliqué et dégradé entre Marcellin et Isaïe, deux frères montagnards que tout oppose.

Deux frères montagnards, Isaë et Marcellin, n'ont que les hauts sommets comme points communs. En dehors des pentes enneigées, tout semble opposer ces deux hommes : leur caractère, leur façon de voir les choses, leur philosophie de la vie et le regard qu'ils portent sur leur prochain. Tous deux ont grandi et passé leur vie dans la bergerie familiale. Mais Isaïe ne grimpe plus en hauteur après un grave accident d'alpinisme. Il était pourtant un fieffé marcheur de haute montagne, un guide hors-pair.

Depuis le drame, il se contente de garder ses moutons et s'accomode d'une vie tranquille, loin des sommets. Mais son frère Marcellin, qui boue comme une soupe dans la marmite, en a marre de cette existence monotone, en altitude. Son rêve est d'ouvrir un commerce en ville. Là-bas, à la foi si près et si loin. Au plus près de la civilisation. Mais un jour, un avion s'écrase sur les sommets. Très vite, les rumeurs enflent : il y aurait de l'or. Et cela monte à la tête de Marcellin, qui se révèle prêt à tout, et même au pire, pour retrouver l'engin accidenté et faire main basse sur le trésor. Quitte à détruire le lien fraternel avec Isaïe qui ne peut souffrir d'aller piller les morts.

La Neige en deuil © Dominique Monféry d'après Henri Troyat - Rue de Sèvres

Après Mortel imprévu, l'auteur Dominique Monféry livre un nouveau chef d'œuvre. Le texte original d'Henri Troyat est déjà de très belle facture. Il l'adapte ici avec beaucoup de sensibilité et la pudeur nécessaire pour décrire pleinement une telle relation complexe entre deux frères. Son scénario est emprunt d'une narration délicate et solidement construite. Il entraîne le lecteur dans un récit aussi glaçant que le froid qui règne sur les hauts sommets montagneux.

Son dessin n'est pas en reste pour nous donner à voir la dure réalité de la vie montagnarde, l'isolement, cette vie de non-dits et de silences. Un dessin brut de décoffrage, à la fois frontal lorsqu'il est nécessaire de montrer les difficultés quotidiennes de cette vie, tout en étant suffisamment fin pour suggérer et amener à lire entre les lignes de crêtes.