Une tragi-comédie shakespearienne aux dialogues écrits dans une belle langue et au dessin d’une virtuosité tranquille. Reste à cette série prometteuse à se faire une place parmi les autres séries anthropomorphiques au talent affirmé.
Delcourt a Les 5 Terres et De Cape et de crocs. Dargaud a Blacksad. Glénat a désormais Le Royaume sans nom, le point commun étant bien sûr l'anthropomorphisme des personnages. Ce dernier titre traite aussi le jeu du pouvoir dans un système médiéval (comme Les 5 Terres) et assume également l'influence du théâtre dans les dialogues (comme De Cape et de crocs). La caractérisation de certains personnages peut rappeler Blacksad, même si la technique graphique est toute autre. Et on ne s'en plaint pas, grâce à des dialogues usinés avec soin par Herik Hanna (scénariste éclairé de Altamont) et à un dessin plus que léché de Redec, habituel collaborateur de Hanna.
La cour du Royaume sans nom est en effervescence : Les Royaumes du Nord ont envoyé leur ambassadeur, un cochon glouton. Une alliance s’impose, face à l’appétit de territoires de l’armée du Tigre. La Cour bruisse également car l'héritier du Trône, ne veut pas tuer son père, le vieux Lion, comme la tradition l'exige. Des complots se trament dans tous les coins. Ce premier tome prend le temps de s'installer, avec de nombreuses sous-intrigues à mettre en place. Heureusement, Herik Hanna n’a pas oublié l’humour et des séquences telles celles avec le Cerf ménestrel coureur de jupons apportent des respirations bienvenues. De plus, l'histoire gagne en intensité sur la fin du récit, très réussie.
Le dessin de Redec porte avec un esthétisme gouleyant le propos tout au long de l'album. Faste de la Cour, émotions des personnages, action, comédie : tout est traduit avec bonheur. La vue depuis le balcon du fils du roi est à couper le souffle. L'encrage très fin accompagné des couleurs ensoleillées de Lou apporte de l'élégance et une jolie facture « cinéma d'animation ».
Ce drame aux accents shakespeariens assumés se laisse bien déguster. À voir si le tome 2 osera aller plus loin (y compris dans l'humour) pour notre plus grand plaisir.