Il y a vingt ans, le scénariste Jean-David Morvan découvrait le truculent roman de Thomas Raucat, L’Honorable Partie de campagne (Gallimard, 1924). Il en livre aujourd’hui une version tout aussi loufoque et fantasque, qu’épouse à souhait le dessin de Roberto Melis.
Nous sommes le samedi 10 juin 1922. Le Japon s’apprête à vivre un événement historique : lors de l’Exposition universelle de la Paix est présenté un hydroplane. Un Suisse propose à une jeune Japonaise de l’emmener visiter l’île d’Enoshima. C’est une occasion unique pour cette jeune dame sans le sou. Mais un autre homme, Japonais, fond sur l’Européen pour se faire mousser et insiste lourdement pour les accompagner. Le Suisse va prendre un autre train pour arriver à ses fins.
Cette histoire, c’est celle que nous raconte Thomas Raucat dans son premier roman, L’Honorable Partie de campagne, paru il y a un siècle chez Gallimard. Et d’emblée, force est de constater qu’il n’a pas pris une ride. L’auteur, un Polytechnicien français dont la véritable identité est Roger Emmanuel Alfred Poidatz, commandant de la section de photographie aérienne qu’il a créée, est envoyé au Japon après la guerre pour former les habitants à cette discipline.
L'Honorable partie de campagne © Sarbacane, 2024
Il y décrit avec grand humour le vide, l’immense fossé culturel entre l’Europe et le pays du soleil levant. On passe le plus clair du récit à se demander si le Suisse va réellement parvenir à déjouer la multitude d’obstacles que les us et coutumes très codifiés et contraignants du Japon jettent en permanence sur sa route. Ce récit truculent n’a pas pris une ride et cette bande dessinée en est un délicieux prolongement. Le découpage en chapitres sous forme d’estampes nous plonge dans la culture traditionnelle nippone, pour mieux nous en détacher. C’est une véritable parodie de roman japonais, avec l’œil aiguisé et moqueur d’un Européen.
Graphiquement, le dessin de Roberto Melis est aussi une sorte de parodie. Sans verser dans le pur style manga, ses courbes japonisantes, le choix du rouge comme couleur dominante et les expressions exacerbées de ses personnages se marient à merveille avec le découpage narratif de Jean-David Morvan. Vous en reprendrez, comme une tasse du meilleur thé.
Article publié dans le Mag ZOO N°96 Janvier-Février 2024
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