Absent de la scène BD depuis 2019, Roger délaisse Jazz Maynard pour nous plonger, aux côtés de Fabien Vehlmann, dans le destin tumultueux d’un primate capturé encore jeune et entraîné à devenir une bête de combat. La surprise de ce début d’année.
Tout commence donc au sein d’une tribu de « grands singes » qui fait face à la sécheresse et la famine. Ils ont repéré un énorme alligator et le suivent, surveillant le moment où il sera temps d’attaquer. C’est la règle du jeu, la nature sauvage, être le plus malin, ne pas flancher… Mais le tableau est soudain perturbé par l’arrivée d’esclavagistes qui capturent les primates, en mangent certain, en réservent d’autres pour les revendre… et plus particulièrement celui qu’on appelle « Sans-voix » qui va dès lors être dressé pour se battre, pour devenir le redoutable « Dieu- Fauve », le roi de l’arène. Mais à leur tour, ces hommes et ces femmes, bien des années plus tard, subissent les ravages d’un tsunami et le Dieu-Fauve réussit à échapper à sa captivité… Mais il n’est jamais vraiment très loin, il veille, il veut sa revanche…
Le Dieu-Fauve © Dargaud, 2024
Derrière les barreaux, un cri sourd
Derrière le masque de cuir qui cache le visage de « Sans-voix » se trouve toute la fureur d’un être qui a vu sa tribu se faire massacrer
devant lui alors qu’il était lui-même réduit à l’état de simple bête de foire. Et tandis que gronde progressivement le souffle de la révolte au fil des pages, nous découvrons les nuances qui se cachent derrière la notion d’esclavagisme, qu’il soit culturel, économique ou simplement l’affirmation d’un pouvoir.
Fabien Vehlmann et Roger livrent un récit à la fois dense et profond qui interpelle par son dynamisme et par la subtilité de l’écriture. Majoritairement en voix off, Vehlmann se veut avant tout le conteur d’une aventure qui nous renvoie vers une histoire universelle. Il n’est pas question de dater précisément les événements, ni même d’identifier les lieux, mais de suivre le processus qui va amener une jeune esclave à vouloir réagir, en regardant ce primate derrière ses barreaux. La frontière entre l’humain et la bête est finalement très fine, voire même parfois inexistante.
Un très bel album qui permet surtout de retrouver l’inimitable trait de Roger, un artiste en pleine forme.
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