Il n'est jamais facile de s'attaquer aux monstres sacrés. C'est même casse-gueule. Laurent Seksik et Fabrice Le Hénanff relèvent le défi en revisitant, dans ce fabuleux one-shot, les dernières années de Modigliani. Le résultat est à la hauteur des peintures de l'artiste : émouvant.
Artiste maudit. Modigliani. Proche de Picasso, homme à femmes, à risques et sans compromis, il fut aussi paradoxal que ses peintures. Un sculpteur frustré, que la maladie et les dépendances ont contraint à peindre. Ce sont ses dernières années, les plus chaotiques, tumultueuses et renversantes que Laurent Seksik et Fabrice Le Hénanff revisitent.
Sa difficulté à se vendre. Son amour pour Jeanne, mis à mal par ses soirées parisiennes avec les éclopés. Le départ à Nice et sa fin de vie, forcément tragique. C'est brillant de subtilité. D'humanité, de tristesse. Le scénariste avait déjà fait des prouesses avec Guillaume Sorel dans Les Derniers Jours de Stefan Zweig. Voilà une récidive de très belle facture, nourrie par cette impression, impressionnante, d'avoir partagé un bout de la vie du prince de la bohème.
Fabrice Le Hénanff offre une dimension graphique inespérée. Il excelle dans les monuments historiques, les ambiances, les portraits. Et la pluie, une spécialité du Breton. Ambiances sombres, travail des ombres, trait épais et mise en couleur aussi soignée que directe sont sa marque de fabrique. Une facette triste, assumée, qui tranche ici avec celle des couleurs fauves, les déclinaisons de jaunes, la lumière et le soleil écrasants du Sud.
Ovni, Modigliani survole la rentrée. Il s'inscrit dans la mouvance de faire revivre un artiste, une œuvre, un texte. C'est une aubaine que les chemins de Seksik et Le Hénanff se soient croisés. Un album à la hauteur de la création d'un des plus grands artistes du XXème siècle.