Qui d'autre qu'Emmanuel Lepage, auteur de BD breton et Peintre officiel de la Marine depuis trois ans, pouvait donner vie, en image, au phare de l'île Vierge ? C'est le plus haut d'Europe, tous phares confondus, et le plus haut du monde dans sa catégorie, celle des phares en pierres de taille. La personnalité locale Goulc'han Kervella livre une sélection de textes sur cet édifice et ce qu'il observe depuis plus de 120 ans. Un bel ouvrage, qui mérite un prolongement en allant visiter ce phare ou en passant une nuit dans la maison des gardiens du petit phare de l'île Vierge, devenue un écogîte.
Le saviez-vous : les phares sont classés en trois catégories, selon s'ils ont été construits sur terre, sur une île ou en pleine mer : le paradis (car on peut sortir pour vivre autour), le purgatoire (car on a un peu de place pour sortir) et l'enfer, car on ne peut en sortir. Les plus dangereux se nomment Ar-Men, l'enfer des enfers au large de l'île de Sein (auquel l'auteur Emmanuel Lepage a consacré une vibrante BD chez Futuropolis), et celui de Tévennec.
En 48 pages et une trentaine de dessins originaux, le seul auteur de BD devenu historiquement Peintre officiel de la Marine (depuis 2022), livre ici le meilleur de son dessin et de ses couleurs. Il illustre les textes de Goulc'han Kervella, metteur en scène, comédien et écrivain du coin, enfant de Plouguerneau et du sublime pays des Abers. On y apprend les conditions de la construction de ce phare, les obstacles pour ériger ce fût impressionnant, la vie de ses nombreux gardiens...
Ce très bel album, dont l'éditeur finistérien Locus Solus a le secret, nous montre combien ce phare est un témoin privilégié mais parfois impuissant de ce qui se déroule sous ses lentilles. Comme, par exemple, le terrible naufrage de l'Amoco Cadiz sur les rochers de Portsall le 16 mars 1978, qui a entraîné une des pires marées noires de l'histoire. Mais l'ouvrage fait aussi la part belle aux goémoniers, aux naufrageurs, aux animaux qui vivent sur cette île protégée...

" Ce très bel album nous montre combien ce phare est un témoin privilégié mais parfois impuissant de ce qui se déroule sous ses lentilles. " © Locus Solus, 2022 - Emmanuel Lepage
Depuis quatre ans, l'office de tourisme du pays des Abers propose de passer une ou deux nuits dans la maison des gardiens, devenue un écogîte. Mission : se mettre dans la peau d'un gardien de phare. Si le tarif peut paraître exorbitant (640 ou 740 € la nuit, 940 ou 1040 € les deux nuits selon la période), il est finalement plutôt bon marché si vous êtes neuf personnes à participer à l'aventure (c'est la capacité d'accueil de l'écogîte).
Mais ne vous faites pas avoir : le transport aller-retour (trois kilomètres en tout au départ de la pointe de Castel Ac'h à Lilia-Plouguerneau) est à votre charge, comptez 200 euros en plus de la nuit... C'est le prix à payer pour profiter du purgatoire, le temps d'une journée. Et l'expérience est plus proche du paradis que de l'enfer. Alors si en plus vous emmenez avec vous ce somptueux album, vous deviendrez incollable sur le phare de l'île Vierge. Allez ouste, en mer, moussaillons.