Après Karmela Krimm, voici Tabatha Sands ! Lewis Trondheim et Franck Biancarelli signent un polar drôle et haletant, au dessin léché, hommage aux anciens strips-feuilletons des grands quotidiens américains. Un régal !
« Attendez, ils tournent un film d'époque ou c'est une caméra cachée ? » Tabatha se réveille à New York, en 1959. Pourtant, elle est « sûre d'avoir 30 ans et d'être en 2025 ». Ses colocataires, Erika et Gwen, tentent de lui remettre les pieds sur terre et l’aide à percer comme mascotte publicitaire de leur quartier, Green Witch.
Tabatha pourrait profiter pleinement de sa nouvelle carrière de « sorcière » au cinéma s’il n’y avait le sexisme ambiant, cette créature fantomatique qui la suit partout et la menace qu’une bombe nucléaire ne détruise toute la ville…

Extrait de "Green Witch Village" : New York, 1959. Tabatha s'apprête à vivre une nouvelle journée de jeune citadine, entre ses deux colocataires et ses recherches d'emploi. Sauf que Tabatha n'est plus Tabatha. © Le Lombard
Quelle est cette sorcellerie !
Lewis Trondheim nous plonge dans le New York des années 1950 avec humour et énergie. L’intrigue est brillamment dosée, allant avec aisance d’un rebondissement à l’autre : chantage familial, nazis en vadrouille, charmant espion russe… Tabatha Sands est contrainte d’aider la CIA à enquêter sur la bombe atomique Tybee que l'US Air Force aurait perdue et que les nazis tenteraient de déclencher en même temps que la troisième guerre mondiale.
Persuadée d’être invulnérable dans ce monde qui n’est pas le sien, la jeune femme ose toutes les réparties, remet à leur place les porcs libidineux et enquête avec brio sur une affaire tentaculaire. Elle est aidée par un fantôme venu du futur (ou plutôt la voix d’une personne de 2025) qui lui permet d’avoir toujours un temps d’avance. Aussi excitant que dangereux.
Formellement, Green Witch Village est une leçon de découpage et de narration. En hommage aux Sunday pages, qui paraissaient dans les journaux américains sous forme de feuilleton dans les années 1950, les auteurs ont voulu respecter plusieurs contraintes tout au long de l'album. Entre autres, que la dernière case des strips ait une chute, que chaque planche puisse être lue de façon autonome et que les pages soient découpées de sorte à être lues en trois ou quatre strips (comme dans les Sunday pages).
Pour parachever ce voyage dans le temps, les couleurs de Franck Biancarelli créent des ambiances fortes, avec un petit quelque chose de vintage. Son trait précis rappelle le comic book américain et nous fait nous aussi voyager dans le New York d’octobre 1959. Un des hits de cette rentrée BD !
Article publié dans le mag ZOO n°106 Septembre-Octobre 2025
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