L’autre tournée

Mortimer est vendeur d’encyclopédies. En déplacement dans une petite ville britannique, il tente en vain de rencontrer ses clients, de contacter son éditeur et de préserver un semblant de communication avec sa femme. Pire encore : le voici bientôt soupçonné d’être le tueur à la valise qui sévit depuis son arrivée.

Cela fait 6 ans déjà qu’est paru La tournée d’Andy Watson dans lequel un jeune romancier tentait de s’extraire d’un quotidien qui lui échappait. Si sa lecture voire sa relecture n’est pas nécessaire, elle s’avérera utile pour bien saisir toutes les subtilités. On s’explique : L’autre tournée met en scène Mortimer qui n’est autre que le personnage fictif inventé par Fretwell, protagoniste principal de l’opus précédent. Pour autant, il ne s’agit pas d’une mise en abyme, le commercial évoluant dans la même diégèse que son créateur. Les férus de narratologie auront donc reconnu une métalepse, à l’image de La rose Pourpre du Caire de Woody Allen, dans lequel un personnage de film traverse l’écran de cinéma pour vivre une romance avec une spectatrice. L’Autre tournée fonctionne ainsi comme un livre miroir, exactement comme l’annonce l’éditeur.

Planche extraite de L'autre tournée par Andi Watson, BD sélectionnée au Festival d'Angoulême ainsi qu'aux prestigieux Eisner Awards.
© Çà et là 2025

Qui a tué la libraire ?

Mortimer est plongé dans un univers ou l’absurde règne en maitre. De la même manière que dans l’œuvre de Kafka, explicitement cité à travers le roman de Fretwell Sans K, le héros tente désespérément de répondre de manière sensée et raisonnée à une situation qui ne l’est jamais. Ce qui commence alors comme une comédie légère bascule au fur et à mesure dans un récit psychologique. La silhouette solitaire du démarcheur se perd régulièrement dans une ville aux rues étroites et labyrinthiques. Les cadrages et points de vue accentuent la confusion d’un personnage toujours en errance au sein de la cité oppressante.

Le commercial marche donc littéralement et symboliquement dans les pas de son créateur. Chaque rencontre est ainsi une subtile variation de situations déjà connues. Un jeu de piste s’installe, où chacun pourra s’amuser à repérer les correspondances, les écarts voire les incohérences entre les deux livres.

La fin, cependant, diffère légèrement. Là où La tournée permettait d’échafauder une théorie sur l’identité du tueur à la valise, L’autre tournée ne cherche plus vraiment à la résoudre. Une autre direction est empruntée que nous nous garderons bien de livrer.

Ce genre de récit teinté d’absurde et de surréalisme est finalement peu abordé en Bande Dessinée ; on pense aux premiers livres d’Alfred ou à Nicolas Dumontheuil dans ses débuts. L’occasion est donc rêvée pour acheter, non pas un, mais deux livres des éditions Çà et là. Cela aidera d’ailleurs ces derniers qui connaissent un passage difficile. Trêve d’absurdité !