Une très belle adaptation de Simenon qui nous amène au cœur de la Wallonie des années 30. Dans cette campagne humide, les cœurs battent avec violence et se heurtent aux non-dits.
La mère d’Edmée meurt en lui donnant naissance. Son père, médecin, l’élève seul jusqu’à son propre décès, au début des années 1930. À seize ans, la jeune fille doit quitter son univers et aller vivre chez un oncle, riche propriétaire terrien établi dans une ferme au cœur de la Wallonie. Elle ne connaît pas cette branche de sa famille et, après un long voyage, arrive enfin chez le frère de sa mère. Mais à son arrivée, elle découvre que lui aussi vient de mourir. Edmée se retrouve alors plongée dans cette grande maison, entourée de cousins qu’elle n’a jamais vus.

La maison du canal dispose d'un dessin expressif qui saura gagner le coeur des lecteurs
© Dargaud 2025
Fred, l’aîné âgé de vingt et un ans, prend naturellement le rôle de chef de famille. Peu enclin au travail, il préfère passer son temps en ville, à fréquenter les femmes et à jouer aux cartes. Constatant que la ferme et les terres sont hypothéquées, il ne fait rien pour améliorer la situation. Son cadet, Jeff, est une force de la nature, travaille sans cesse mais est un peu frustre. Tous deux sont attirés par Edmée qui joue un jeu trouble. Elle exacerbe leur passion à l’un et l’autre sans jamais se livrer complètement. Une relation étrange se noue entre ces trois individus.
Les éditions Dargaud poursuivent leur adaptation en bande dessinée des romans « durs » de Simenon. Les scénarios sont confiés à Fromental ou à Bocquet. Ce dernier, après Le Passager du Polarlys dessiné par Christian Cailleaux, signe ici La Maison du canal. Sa plume restitue avec finesse l’atmosphère singulière du roman et met en lumière l’ambiguïté des relations entre les deux frères et leur cousine. Le lecteur se retrouve plongé dans une ambiance digne d’un film de Chabrol, au milieu de personnages provinciaux dont les liens s’avèrent d’autant plus complexes dans le contexte belge marqué par le bilinguisme. Le poids du passé pèse sur chacun et les entraîne hors du droit chemin.
Le choix d’Édith pour illustrer ce récit pouvait surprendre. Son trait léger, presque naïf, semblait à première vue inadapté à une histoire aussi sombre. Pourtant, c’est tout le contraire : par quelques lignes expressives, elle rend visibles les pensées équivoques et les rapports ambigus entre les personnages. Sa palette de couleurs restitue à merveille l’atmosphère lourde et humide des campagnes belges, et sa représentation de la pluie s’accorde parfaitement avec son dessin à la fois simple et puissant.
Un album marquant, qui ne laisse pas indifférent : une très belle adaptation de Simenon.