Pour renforcer l’indépendance de l’Iran, le Premier Ministre Mossadegh nationalise, en 1951, le pétrole appartenant auparavant aux concessions anglaises. Les réactions ne se font pas attendre, plus particulièrement des États Unis et des opposants islamistes qui s’allient pour organiser un coup d’état en 1953 !
S’il est de bon ton, aujourd'hui, de remettre en cause la possibilité d’actions menées dans les coulisses, manipulant l'opinion publique pour des enjeux commerciaux, il convient de temps à autre de revenir sur les leçons de l'Histoire, montrant que le monde tel que nous le connaissons s’est parfois construit sur des alliances, sur des accords secrets, sur des allers et venues dans les arcanes du pouvoir…
Cette nouvelle série projette donc de mettre l’accent sur des épisodes clés ou des pourparlers diplomatiques qui ont été au centre d’évènements historiques. Quand le récit démarre, l’Iran est au cœur des débats. La seconde guerre mondiale est terminée, l’Angleterre a du mal à éponger sa dette vis-à-vis des Etats Unis et la France aimerait être mieux positionnée sur le marché pétrolier du Moyen-Orient. Quand Mossadegh remet en question l’accord qui lie son pays à l’AIOC (Anglo-Iranian Oil Company), pointant du doigt les faibles profits que la compagnie anglaise leur concède, 16% seulement, il se retrouve face à une polémique internationale qui va le pousser, une fois devenu premier ministre, à prononcer la nationalisation de l’AIOC en 1951.
Tout de suite, l’Angleterre déclare l’embargo, les États Unis s’inquiètent de cette redéfinition du jeu qui n’est plus à leur avantage et les factions islamistes hurlent après la politique progressiste de ce Mossadegh qui dérange. La France charge donc son plus jeune ambassadeur, Jean d'Arven, d'engager des pourparlers pour défendre les intérêts de l'industrie française. Pendant ce temps, dans les coulisses, les Américains se rapprochent du Shah, exilé jusque-là, et de l’ayatollah Kachani pour organiser un « renversement de pouvoir »…
Jean d'Arven n'est pas au bout de ses surprises...
© Lombard, éditions 2021
Si, au premier abord, on peut s’étonner de découvrir une série basée sur des tractations diplomatiques en 1953, il s’avère rapidement que ce premier volet est surtout passionnant ! Tristan Roulot et Christophe Simon nous proposent une intrigue extrêmement bien dosée, qui nous parle d’enjeux politico-économiques sans jamais être réellement rébarbatif. Ils nous décrivent les méandres complotistes d’un univers clôt bâtit sur des mains serrées en cachette, des rendez-vous officieux qui redessinent en secret le paysage diplomatique d’un pays en pleine révolution. Les auteurs évitent ainsi de s’empêtrer dans une terminologie trop technique, trop cryptique, nous livrant une très habile vulgarisation qui nous éclaire sur ces évènements dont les effets se font encore sentir aujourd’hui! C'est intéressant de plonger dans les rouages de cette mécanique diplomatique construite sur un ensemble de pressions alimentées par des industriels prêts à tout, même à utiliser la propagande et les médias.
Jean doit-il faire confiance?
© Lombard, éditions 2021
Derrière ce récit et le dossier final qui l’accompagne, on devine un énorme travail de documentation, ainsi qu’une volonté d’éviter les détails inutiles qui pourraient alourdir le propos. L’écriture fluide prône la lisibilité et l’accessibilité et le dessin très classique sert agréablement le scénario. Un premier album assez intrigant qui donne envie de lire la suite de cette collection.
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