Remarqué sur son incroyable série Psycho-Investigateur, aux côtés d’Erwan Courbier, Benoît Dahan revient cette fois explorer les méandres du cerveau du célèbre détective de Conan Doyle, avec ce premier volume de Dans la tête de Sherlock Holmes, coscénarisé avec Cyril Lieron.
« L'idée de départ, c’est de visualiser l'intérieur de la tête de Holmes comme une sorte de grande bibliothèque, en détaillant le cheminement dans son cerveau, que Doyle comparait à une mansarde.» détaille Benoît Dahan. Cet artiste ovni impose à chaque album une approche graphique très audacieuse avec des mises en page riches et inventives et des idées formelles qui transcendent le scénario. Il possède aussi une vraie intelligence dans l’articulation entre l'histoire et son traitement graphique.

Dans la tête de Sherlock Holmes, il offre une transparence totale au raisonnement du détective qui amène chaque étape de l’enquête à être décortiquée, analysée et liée avec d'autres éléments, voire accompagnée des bulles grossissantes qui insistent sur les détails. Cette expérience immersive permet de comprendre comment tel élément amène sur telle déduction. Les deux auteurs ont particulièrement travaillé sur trois éléments pour permettre cette immersion : « La vision du monde intérieur de Sherlock, sa "mansarde". Le fil rouge où les indices se greffent au fur et à mesure. Et enfin, lors des déplacements de Holmes dans Londres, on glisse sur la carte de la ville. C'est l’une de ses caractéristiques principales : sa connaissance parfaite de chaque rue, chaque recoin. » Benoît Dahan explique adorer « essayer de retranscrire la manière de penser, de percevoir des différents personnages. Cela me semble un sujet infini, qui donne de bonnes idées de narration visuelles. »
Du lycée au rayon nouveautés
Cyril Lieron et Benoît Dahan se connaissent depuis la classe de première. Ils ont longtemps nourri l’envie de travailler sur un projet commun, lancé par Benoît Dahan : « On ne pensait pas faire une BD sur Sherlock, car on se disait qu'il y avait déjà pas mal de choses qui existaient… Jusqu'à ce que je propose ce concept à Cyril en 2013. On s'est alors dit que c'était suffisamment différent pour valoir le coup. On est tous les deux fans de Sherlock Holmes depuis toujours : on aime ses codes, cette écriture impressionnante et précise. Conan Doyle a été le premier à avoir poussé aussi loin le roman policier. Et c'est bourré d'humour, avec, en plus, un certain décalage anti-héros, puisque Holmes est cocaïnomane. »

S’engage alors une collaboration complice : « On travaille donc le scénario à deux, on fait un brainstorming pour organiser les bases de l'histoire, puis le découpage… Parfois, il y a des idées de mise en page qui me viennent directement. Si ce n'est pas le cas, on passe aux dialogues. Cyril fait le premier jet, ensuite en repasse couche après couche, l'un après l'autre, jusqu'à obtenir les dialogues qui nous satisfont touts les deux. »

Un Sherlock plus vrai que nature
Il n’est cependant pas question pour les auteurs de faire du révisionnisme, mais bel et bien de rester fidèle aux ambiances originales. « La relecture, via l'intérieur du mental, était déjà suffisante, à notre sens, pour ne pas avoir à inventer de changements des personnages eux-mêmes. D'autres auteurs s'en sont déjà chargés ! On a vraiment la volonté de revenir aux sources. Les lecteurs ou spectateurs des séries télé sont gavés de versions revisitées, ce n’est donc pas désagréable de se reconcentrer sur le vrai modèle, non modifié, brut. »
Deux volumes sont ainsi prévus, mais la porte reste ouverte pour la suite : « Si ce premier diptyque marche bien, on pourra en faire d'autres ! On a déjà des idées… ». Avis aux lecteurs...
Article publié dans le magazine Zoo n°71 Mai - Juin 2019
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