Sur quatre saisons, Cyril Pedrosa nous invite à suivre le parcours de plusieurs personnages qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Il s’ancre dans un paysage en prise directe avec la réalité sociale d’aujourd’hui et dégage la profonde humanité de ses acteurs. Une démarche à la fois déroutante et ambitieuse dans sa conception et son importante pagination.
Entre Vincent, orthodontiste qui vit mal son divorce dans une froide demeure sise sur le littoral breton, et Louis, ancien syndicaliste à la retraite habitant dans un coin retiré du Jura, nous suivons aussi la solitaire Camille, qui photographie des anonymes qu’elle croise et dont elle imagine les états d’âme en dissertant sur ses clichés. Ces spéculations sont énoncées par des textes où Pedrosa privilégie la pure littérature à l’image.
Après avoir créé la surprise avec son très autobiographique Portugal en 2011 dans lequel il renouait avec ses racines, il signe ici une œuvre aux accents sombres. Le regard qu’il porte sur notre mode de vie et ses perspectives sociales peu réjouissantes quant à l’avenir des générations futures interpelle et s’avère plutôt désenchanté. Ecologie, économie et politique sont constamment en filigrane de son récit.
Les équinoxes déroute aussi par sa facture : chacune des périodes est précédée par une sorte d’interlude muet de quelques pages qui nous ramène à la quasi-préhistoire. C’est là qu’on mesure toute l’évolution de l’Humanité qui se résume à une lutte perpétuelle pour la survie de l’espèce. Et, tout en maintenant la continuité du récit en cours, chaque saison, à l’instar de Portugal, est traitée dans un style graphique différent, déstabilisant aux yeux de certains lecteurs.
À mesure que les différentes histoires progressent, les connexions finissent par apparaître comme dans les films d’Alejandro Gonzalez Iñarritu, tels 21 grammes ou Babel. Plusieurs lectures s’imposeront donc pour apprécier pleinement cet album.