Clôturant la trilogie dédiée au major Jones, ce troisième épisode s’inscrit pleinement dans la tradition de XIII : une fiction ancrée dans le réel, portée par un scénario dense et un dessin d’une grande maîtrise.
À l’instar de la série principale XIII, cette trilogie centrée sur le major Jones puise son inspiration dans un fait réel : l’occupation d’une île par des Amérindiens en 1969. Ces derniers souhaitaient attirer l’attention sur les injustices dont leur communauté était victime. Yann s’appuie sur cet épisode historique pour bâtir son intrigue : le frère de Jones se retrouve parmi les occupants, tandis qu’elle, militaire, fait partie du camp opposé chargé de les déloger. À la tête du groupe rebelle se trouve Karcajou, un ancien soldat du Vietnam, déterminé et violent.
L’album s’ouvre sur une scène choc : Carrington, capturé par les insurgés, est suspendu par deux crochets fichés dans sa poitrine. Karcajou se filme devant sa victime, espérant diffuser son message à la télévision pour alerter l’opinion publique. Pendant ce temps, Jones, accompagnée d’une jeune collègue d’origine amérindienne, infiltre discrètement l’île. Sa mission : faire exploser le groupe électrogène à l’aide de dynamite et libérer Carrington.
Yann conclut cette histoire tambour battant, avec un récit riche en rebondissements et en action. Les amateurs de la série retrouveront avec plaisir deux personnages emblématiques au fil de ces trois épisodes. Les événements racontés ici éclairent les origines du lien fort unissant la jeune femme de couleur au vieux baroudeur. On sent le plaisir du scénariste à redonner vie à cette héroïne dont il avait déjà raconté l’enfance dans Little Jones. La précision des enchaînements et le rythme soutenu de l’action contribuent à la réussite de l’album. Seule ombre au tableau : une scène d’attaque d’hélicoptère par un pélican, un peu trop invraisemblable, qui affaiblit légèrement la narration.
Le dessin de Taduc ne cesse de gagner en maîtrise et rivalise depuis quelques albums avec celui des plus grands. À 63 ans, il s’impose comme une figure incontournable de la bande dessinée franco-belge classique. Après le succès de Chinaman – dont le dernier tome est une véritable pépite – il revient avec brio sur les grands classiques. Outre cette trilogie dédiée à Jones, il participe au collectif sur à paraître prochainement et travaille actuellement sur un . Peu de dessinateurs peuvent se targuer d’avoir contribué à trois séries majeures de l’univers franco-belge. Son trait précis, sa mise en scène fluide et sa narration limpide offrent aux lecteurs un plaisir de lecture renouvelé.