Cet album se lit comme un récit d’espionnage où les rebondissements s’enchaînent sur le sol russe, avec un XIII à qui la mémoire fait toujours défaut. Même si le savoureux duo XIII/Jones nous manque, les auteurs font le job. Un vent de Sibérie qui apporte un peu d’oxygène à une série quadragénaire.
XIII, malgré son surnom, n’est pas superstitieux, disait-il à la fin du tome 1. Heureusement, car vu le nombre de personnes qui ont voulu l’assassiner ou le manipuler, il aurait pu se croire l’objet d’une malédiction divine (un peu comme Thorgal). Cela fait quarante ans que cela dure et si le héros n’a pas vieilli physiquement, il est dans ce 29e tome moins l’acteur que le spectateur de ses aventures : il est balloté entre des factions russes rivales grenouillant dans les coulisses du pouvoir moscovite.
XIII est dans ce 29ème tome balloté entre des factions russes rivales grenouillant dans les coulisses du pouvoir moscovite. © XIII, T.29, Moscow - Spaco House - Dargaud
On peut faire le parallèle avec Tintin, qui avait davantage un rôle d’observateur dans les derniers albums, alors qu’il menait l’action auparavant. Hergé avait pris de l’âge entretemps. Ici, la raison ne peut qu’être autre, Yves Sente et Iouri Jigounov ayant succédé à Jean Van Hamme et William Vance. Une des raisons est peut être que dans un monde de plus en plus connecté, l’action de l’individu est moindre face au collectif et à la technologie. Une autre explication est certainement l’approche du scénariste lui-même : Sente raconte et explique beaucoup alors que Van Hamme avait davantage recours à l’ellipse. Cela dit, le scénariste actuel s’est bien documenté sur les méandres des services secrets russes, permettant de témoigner de leur adaptation après l’effondrement de l’URSS.
L'Espionne qui venait du froid
On regrette toutefois la relation ambiguë que XIII entretenait avec Jones, absente de cet album. Même si d’autres femmes tournent autour du beau héros, telle Nina Krekhova, une espionne russe qui eut une liaison avec lui à Cuba (quel bourreau des cœurs !) ou la capitaine Spark veillant « maternellement » sur lui.
Moscow – Spaso House permet à Jigounov de dessiner les paysages et autres décors enneigés russes avec son style très réaliste, un plaisir pour les yeux. © XIII, T.29, Moscow - Spaco House - Dargaud
Après un tome se passant à Cuba, Moscow – Spaso House permet à Jigounov de dessiner les paysages et autres décors enneigés russes avec son style très réaliste, un plaisir pour les yeux. Le dessinateur s’en sort très bien également dans les poursuites de voitures et autres scènes d’action. Pour les séquences où les dialogues prévalent (et cela arrive souvent), ses choix de plans d’une case à l’autre sont plus variés que ceux de Vance. Mais les tics graphiques du défunt dessinateur participaient à la spécificité de XIII.
Si XIII n’est pas un numéro, il n’est pas non plus un homme libre (cf. la série TV Le Prisonnier). Le tome 30 annoncé, So, Help Me God ! devrait le voir affronter un ennemi encore plus impitoyable : sa femme !
Article publié dans le Mag ZOO N°101 Novembre-Décembre 2024
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