Supergirl - Woman of Tomorrow

Espérant fêter son anniversaire en solitaire, tranquille, Kara Zor-El, alias Supergirl, reçoit une requête assez étrange. La jeune Ruthye souhaiterait que l’héroïne l’aide à retrouver un certain Krem, qui aurait tué son père. Finissant par accepter, la kryptonienne accompagne donc la jeune fille pour une épopée spatiale pleine de surprise…

Si vous ne suivez pas trop les mille et une péripéties de Superman et de sa puissante famille, peut-être ne connaissez-vous pas très bien Supergirl, sa cousine de Krypton ! La jeune blonde est apparue pour la première fois en 1959, dans les pages d’Action Comics, l’un des titres phare de son cousin. Pendant presque trois décennies, elle va se cantonner à sa condition de reflet féminin d'une des icônes les plus connues au monde, avec plus ou moins les mêmes pouvoirs que lui, voler, super force, vision laser et tout le toutim ! Assez peu connue en France, elle bénéficie néanmoins aux États Unis d’une belle carrière, avec plusieurs séries à son nom et des exploits marquants ! 

Pour autant, il n’est pas nécessaire de connaître cette carrière passée pour apprécier cet album, scénarisé par Tom King et magnifiquement dessinée par Bilquis Evely.

Un prétexte ?

Comme à son habitude, King se sert d’une histoire presque prétexte pour se pencher sur son « sujet » en développant ses contours, sa personnalité et définissant ce qui fait de Supergirl : Supergirl ! Ruthye servant ainsi de narratrice, d’observatrice, de témoin dans ce périple incroyable aux confins de l’espace.

Supergirl, Woman of Tomorrow
© Urban Comics, 2022

Donc oui, l'intrigue n'est finalement qu’un fil conducteur, tout du long, qui va permettre au scénariste de digresser, en s'éloignant régulièrement de sa trame faussement principale. Il glisse donc, deci delà, l’histoire tragique d'un peuple presque entièrement massacré par des brigands de l'espace, il s'attarde par exemple sur une autre planète ou l'ethnie dominante a accepté de sacrifier une population entière pour être épargnée. Chaque épisode devient alors un récit à part qui met en avant un des traits de caractère de Kara, qu'il s'agisse de son courage, de sa volonté de survivre, de sa bonté, de son humanité etc. King a toutefois l’intelligence de s’échapper des gros poncifs habituels aux kryptoniens, héros lisses et purs.

L’écriture immersive, la marque de fabrique de King

L'écriture est d’une grande finesse, le scénariste se concentre sur la psychologie de uns et des autres, sur les mille et unes anecdotes qui peuvent apparaître au premier abord sans grand intérêt pour la Grande Histoire, mais qui viennent subtilement nourrir des caractérisations, leur donner de l’épaisseur, de l’intensité !

En contre partie, c’est vrai, King est assez bavard, au point d’en oublier d'aller à l'essentiel. Il étire son intrigue, n’hésite pas à fureter hors des sentiers, quitte même à parfois partir un peu dans tous les sens. Mais cette narration si particulière, cette façon de ne pas rester bloqué sur le premier propos, c’est en partie tout le charme de ces récits. Cette faculté à ne pas s'empêtrer dans des enjeux qui dépassent les héros et savoir rester sur une fibre, chancelante et fragile, où chaque voix peut s’exprimer !

Plus on avance, plus on s'attache à ce duo assez mal assorti qui se dévoile petit à petit, dans sa gestuelle, ses dialogues, les non-dits qui se devinent dans les regards et cette complicité qui se construits au fil des épreuves.

Une prouesse graphique

Avec cet album, nous redécouvrons le talent de Bilquis Evely qui livre des planches incroyables. On retrouve (après un magnifique run sur Dreaming) cette beauté transcendante et dynamique, on admire le soin porté aux détails, aux décors, aux expressions… Un travail remarquable qui ajoute une nouvelle dimension au récit. Les case, les planches restent en mémoire, on revient en arrière pour le simple plaisir d’admirer son travail !

Une année riche en album de Tom King qui démontre combien son écriture est audacieuse. Il interpelle, que ce soit Strange Adventures, Rorschach ou ce Supergirl… Progressivement, il construit une œuvre fascinante qui s’écarte très habilement des canons habituels de la narration. A surveiller de très près !