Voici un témoignage d’une rare intensité avec ce récit dans lequel la réalité prend les atours d’un roman d’épouvante. Unique album de bande dessinée présent dans la sélection de l’été 2013 du Monde, Mon ami Dahmer est un bouleversement autant qu'une véritable réussite.
Mon ami Dahmer, récit commencé en 1994, décrit l’adolescence de Jeffrey Dahmer, tueur en série tristement connu sous le nom du « cannibale de Milwaukee », passée au collège de Eastview et au lycée de Revere, aux États-Unis. Derf Backderf, l’auteur, raconte, de son point de vue de simple camarade de classe, les années d’errance de ce jeune homme étrange, tantôt fascinant et tantôt effrayant, qui n’a jamais réussi à trouver sa place.
C’est avec un regard empreint d’empathie que Derf Backderf dresse un portrait sensible et documenté d'un adolescent tourmenté, alcoolique, dont les adultes ne se soucient guère. Il cherche à comprendre comment un homme peut être doucement amené à commettre des crimes atroces, sans pour autant l’excuser. Il n’est pas ici question de faire preuve de sensationnalisme puisque le récit se centre sur la période des 12 ans à la sortie du lycée de Jeffrey Dahmer et s'arrête seulement deux semaines avant les premiers meurtres.
Lorsqu’on aborde les grands criminels, il est rare de recueillir des témoignages de « l’avant », qui sont les seuls capables d’expliquer l’inexplicable. Cet album agit donc comme un avertissement : Jeffrey Dahmer aurait pu avoir une trajectoire de vie totalement différente si seulement quelqu’un avait pu sentir son malaise.
Visuellement, l’album est très efficace, on y retrouve un véritable souci du détail, de belles mises en scène, mais aussi une impression de froideur, tant dans les gestes que dans les émotions des personnages, qui participe à la fascination du lecteur.
Cet album, aussi captivant qu’effrayant, est une lecture nécessaire pour qui cherche à comprendre les méandres de la folie humaine.