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Jirô Taniguchi, le promeneur solitaire du Japon moderne

Tout le monde, ou presque, a aujourd’hui entendu parler de Jirô Taniguchi. Révélé au public français avec la sortie du mythique Quartier Lointain, l’auteur a pourtant eu une carrière riche et diversifiée avant de devenir l’auteur de manga adulé des Européens. Retour sur sa carrière, entre France et Japon !

Un touche à tout de génie

La vie de mangaka de Jirô Taniguchi commence tôt. Né en 1947 dans la ville de Tottori, il monte à Tokyo à l’âge de 19 ans après avoir dessiné ses premières histoires. Devenu assistant de Kazuo Kamimura, spécialisé dans le seinen et féru de BD européenne, le jeune Jirô Taniguchi tombe immédiatement sous le charme onirique de Métal Hurlant et de la beauté simple de l’école de la ligne claire. Quelques années plus tard, il prend son indépendance et devient mangaka. Ses premières histoires sont déjà marquées par le thème des liens harmonieux ou conflictuels entre l’Homme et la nature.

Au début des années 80, il rencontre le scénariste Natsuo Sekikawa. Au cours de la décennie, ils écrivent ensemble de la science-fiction, du polar noir, et même quelques histoires érotiques, mais surtout leur oeuvre majeure, parue en 1987 : Au temps de Botchan. Cette biographie de l’écrivain Natsume Sôseki met en scène le tiraillement du Japon de la fin de l’ère Meiji (vers 1910), entre tradition et ouverture à la modernité d’un Occident haï. Son rythme, son réalisme et sa poésie tranchent avec une grande partie des mangas de l’époque.


La parution de la série complète s’étendra sur presque 10 ans, un rythme de publication exceptionnellement lent pour un manga. Dans le même temps, Jirô Taniguchi réalise quelques collaborations avec Caribu Marley, notamment de la science-fiction. Et puis, au début des années 90, il écrit seul L’Homme qui marche. Un manga contemplatif ne racontant rien d’autre que la balade d’un homme dans les rues de sa nouvelle ville. S’il passe relativement inaperçu dans son pays natal, l’édition française remportera un succès critique immédiat.

Le Japon au coeur de l’Europe

Cet album ouvre une nouvelle page de la carrière de Jirô Taniguch. Dans les années suivantes, il publie coup sur coup ses deux plus grands succès : Le Journal de mon père et Quartier Lointain. Avec ces albums, Taniguchi explore la complexité des relations familiales, leurs moments forts et leurs échecs, mais aussi, plus simplement, la vie quotidienne qui se bâtit autour de ces relations. Ces deux albums connaissent un succès public et critique retentissant en France. Jirô Taniguchi devient l’un des seuls mangaka capable d’amener même les plus réfractaires aux codes du genre à apprécier un manga.

Au premier abord, il est paradoxal que ses oeuvres les plus personnelles aient pu toucher un public éloigné du contexte spécifiquement japonais du récit. Or ce succès montre justement la portée universelle de ses histoires. Sa maîtrise de la narration graphique permet à chacun de suivre le récit mais surtout la subtilité des émotions de ses personnages permettent à chacun de s’identifier. « Dans la plupart des mangas, les expressions sont exagérées [...] J’ai eu envie [du] contraire. Par exemple, pour exprimer la tristesse [...] j’essaie [d’en] suggérer la profondeur par une expression de colère. » dit Taniguchi à Benoît Peeters dans L’Homme qui dessine.

Depuis la fin des années 90, une partie des oeuvres de Jirô Taniguchi continue d’explorer les thèmes de la vie quotidienne, des relations humaines, de la tranche de vie. Sans pour autant s’y laisser enfermer : il a notamment dessiné Icare sur un scénario de Moebius, ou Mon Année sur une histoire de Jean-David Morvan. Même si son style graphique et narratif s’est stabilisé, la diversité reste au coeur de son oeuvre. Taniguchi restera un auteur protéiforme, évoluant au gré de ses envies et de sa sensibilité.

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Commentaire (1)

Merci Malo pour ce très bon papier, je suis fan de Tanigushi et j'apprécie beaucoup ! Pierrot Fontanier

Le 20/01/2015 à 11h01