ZOO

Un auteur à ne pas Nihei

Tsutomu Nihei nous abreuve d’une science-fiction sombre, énigmatique et taciturne depuis une vingtaine d’années maintenant. Alors que le Festival d’Angoulême lui rend hommage avec une rétrospective exceptionnelle, retour sur le parcours d’un mangaka à l’œuvre grandiose et cohérente.

Blame!

Blame! ©Tsutomu Nihei / Kodansha LTD

À une époque où sortent en France Cat’s Eye, Les Chevaliers du Zodiaque et Slam Dunk, Glénat frappe un coup magistral en publiant Blame! premier titre de l’auteur. Une détonation aux alentours des années 2000 qui marquera durablement une génération de lecteurs. Le titre est percutant, son personnage principal laconique, son environnement gargantuesquement claustrophobique.

Killy, cyborg avare de ses mots, erre dans les méandres d’une mégastructure enchevêtrée en quête de solutions. L’humanité s’est évaporée, les tuyaux ne sont pas sûrs. L’œuvre est très cryptique. Tsutomu Nihei expliquera avoir imaginé Blame! par à-coups, en recherchant à s’exprimer plutôt qu’en manufacturant une histoire millimétrée. À ce stade, l’auteur préfère suggérer plutôt que de révéler.

Un silence d’or

Le succès de Blame!, qui intrigue énormément, lance Nihei définitivement. La rapide propagation de sa renommée internationale lui permettra même de rapatrier le temps d’une histoire Wolverine, le mutant américain aux griffes rétractables, dans Snikt, qui paraît en France en 2004 chez Panini. Tout Nihei y est perceptible. Wolverine n’est pas loquace, les environnements sont titanesques et les monstres-marionnettes étrangement similaires à ceux de son histoire précédente.

S’enchaînent ensuite Abara et Biomega, séries en respectivement 2 et 10 tomes qui révèlent que Nihei s’affine extrêmement vite. Les lecteurs y découvrent aussi que son genre de prédilection lui permet d’imbriquer discrètement toutes ses histoires dans un continuum discret, affirmé par de nombreuses petites pointes conceptuelles. Blame!, vitrine cruciale des ambitions de l’auteur, est rapidement raffiné. S’en extraient de nombreuses idées présentées dans un écrin visuel en constante recherche d’éclaircissement.

Un peu plus près des étoiles

Au fil des séries, Nihei mûrit sa façon de raconter en se rapprochant d’une narration plus industrielle. En résultera Knights of Sidonia, une série que l’auteur aura réfléchie différemment avec un impact visuel consciemment plus grand public et des étapes scénaristiques bien déterminées. Aux grandes explosions de noir succède l’envie de détailler. Knights of Sidonia marque la rupture pour un auteur qui ne dessine dorénavant plus pour lui-même mais pour une audience. Aposimz consolide cette logique. Le nouveau titre de l’auteur réutilise et renverse les habitudes de son créateur. Nihei y atteint un juste milieu très efficace, équilibrant une histoire résolument shônen et un univers qui lui est dorénavant très intime.

Extrait de l'œuvre de Tsutomu Nihei

Extrait de l'œuvre de Tsutomu Nihei ©Tsutomu Nihei / Kodansha LTD

La planète artificielle Aposimz est en bout de course : une grande partie de l’humanité s’est vue refoulée à la surface inhospitalière de l’astre de métal. Elle survit péniblement depuis 5 000 ans dans un environnement glacial gangréné par une épidémie qui transforme les malades en poupées-zombies. L’ambiance est froide, enneigée, propice à la vengeance et aux actions d’éclat.

Nihei aux nues

Accompagnée de masterclass et dédicaces de l’auteur en personne, l’exposition qui prendra place lors du 46e festival d’Angoulême cristallisera une période éditoriale très riche pour Nihei en France. La réédition Deluxe de Blame! débutée en novembre fait honneur à la démesure de ses environnements, l’artbook Blame and so on étoffe son univers, notamment en plaçant l’auteur face à ses idoles et sa nouvelle série, Aposimz, démarre sur les chapeaux de roue.

Le moment idéal pour découvrir ou approfondir ses connaissances sur un auteur qui mérite sa place dans le club très prisé des auteurs nippons qui se sont fait mondialement un nom.

Article publié dans le magazine Zoo n°69 Janvier - Février 2019

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants