Le monde de l’espionnage est souvent fantasmé. Dans Les Espionnes racontent, Chloé Aeberhardt fait parler de vraies drôles de dames avec Aurélie Pollet au dessin. Quant à Pierre Boisserie et Christophe Gaultier, ils s’intéressent de près à Philby, un maître-espion du XXe siècle.
On les fait passer pour des vamps, Mata Hari ou des James’s Bond girls, mais des espionnes, il y en a toujours eu. Journaliste au Monde, Chloé Aeberhardt est une enquêtrice qui ne lâche rien. Elle les a traquées, retrouvées. Geneviève, la Française, est par hasard en planque pour une affaire qui fera date, Farewell. Martha Duncan, agent de la DIA de la Navy, a travaillé sur la chute de Noriega, le général panaméen en 1989. Jonna, de la CIA, sera la plus «bondienne» de toutes: gadgets, déguisements, elle va former un couple fictif pour une exfiltration en URSS, un vrai thriller.
Des portraits d’espionnes, l’auteure a en rassemblé plusieurs, non sans mal, car survivre impose la loi du silence. Allemagne de l’Est, Israël, ces femmes sont des Madames Tout-le-monde qui doivent passer inaperçues, rester discrètes et dont l’Histoire ne gardera pas de trace officielle. Chloé Aeberhardt alterne portraits écrits, dessinés par Aurélie Pollet comme autant d’interviews pour découvrir ces femmes déterminées.
Philby le séducteur
Kim Philby est quant à lui le roi de l’espionnage, un agent double qui flanque une gifle aux renseignements de Sa Majesté dans les années 60. Comme le dit Pierre Boisserie, le scénariste de cette excellente biographie: «Sa réussite n’est pas liée qu’à lui. Il a bénéficié de l’aveuglement de son entourage». Communiste convaincu, Philby arrive en 1930 à Cambridge et se lie d’amitié avec quatre étudiants. Les Cinq du Trinity College vont travailler près de trente ans pour Moscou. «Philby est un manipulateur conscient de son charme, sur les hommes comme sur les femmes. Il les pousse à se confier».
Mais Philby est presque dépassé par sa réussite, puisqu’il est à deux doigts d’être nommé patron des services anglais. «Les cinq ont traversé les tempêtes jusqu’à ce que les Américains aient des soupçons en 1962 », ajoute Boisserie. Philby sera à l’origine de l’entrée en guerre de la Chine pendant la Guerre de Corée. Il avait prévenu l’URSS que les États-Unis n’utiliseraient pas l’arme atomique. Démasqué, il se réfugie à Moscou en 1963 où il sera considéré comme une vraie star.
Christophe Gaultier dessine un Philby presque désabusé, mais convaincu d’être dans son bon droit. Alors espion•ne•s, qui sont-ils/elles vraiment? Des meilleur•e•s, on ne saura jamais rien, ou alors quand il sera trop tard. Ces deux ouvrages remettent les pendules à l’heure, dans la lignée du film d’Yves Boisset de 1982, Espion lève-toi.
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