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Sidooh et pourtant si rugueux

Sidooh touche à sa fin. Que sont devenus les deux rats faméliques du début qui agitaient désespérément leurs sabres rachitiques à tout va ?

Ils ont gravi les échelons à la force de leur hargne endiablée. Ils ont survécu à l’abandon, au choléra, à l’écrasement de la misère. Ils ont survécu à la secte qui les voyait comme du bétail à sacrifier, puis qui les a endoctrinés pour mieux les embaucher comme assassins d’élite. Ils ont survécu, à la force de leurs lames, à l’accumulation de trahisons et à l’amoncel­lement d’épreuves.

Ils ont survécu à leurs propres limites, à leur soif de sang, de reconnaissance et de puissance. Ils ont survécu à l’ouverture des frontières japonaises, au changement de paradigme et aux complots qui s’entassent comme les corps des opposants qui ont le malheur de croiser leur chemin. Mais jusqu’où et jusqu’à quand ?

Sidooh et pourtant si rugueux

© SIDOOH © 2005 by Tsutomu Takahashi

Multiples vies en sursis

De deux frères esseulés, ils sont passés à frères d’armes dans une section de choc, puis fers de lance des dernières forces officielles fidèles au Shogunat. Les conflits liés à l’ouverture des frontières, théâtre et thème de la série, sont innombrables et d’une ampleur de plus en plus démesurée. Comme toujours, les hostilités les dépassent. S’agiter comme de beaux diables suffira-­t-il cette fois-ci ?Les péons sont épuisés, la série ne l’est pas. En modifiant la position de puissance et de respectabilité des personnages, Takahashi transfigure son épopée tout en maintenant une dynamique de duo toujours aussi finement équilibrée, quoiqu’assagie.

Sidooh et pourtant si rugueux

© SIDOOH © 2005 by Tsutomu Takahashi

Retour à la source empoisonnée

Mais après tout ce sang versé, est-il seulement possible de se racheter une conscience ? Après avoir été, par nécessité puis par aveuglement, une bête sauvage, est-il possible de se croire libre d’une vie aimante ? Peuvent-ils, sans conséquence, se badigeonner de l’honneur du guerrier ? D’autant plus quand leur nemesis originelle continue de tisser sa toile de domination ?

L’auteur intensifie sa dramaturgie, presque théâtrale, notamment dans de grandes postures qui prouvent que derrière la maturité de personnages qui semblent ne s’accorder aucun relâchement se cachent encore de fragiles âmes d’enfants brisés. Car malgré l’intensité historique de cette violence finale, le récit n’oublie pas de quel bourbier il vient. Le destin des deux gamins crasseux est scellé, la route de leurs ambitions s’arrête irrémédiablement face à leur ennemi de toujours, face à celui qui a fait de leur vie un enfer dès les premières pages. Peut-on accueillir stoïquement une mort inévitable après l’avoir aussi intensément évitée tout du long ? Peut-être, si cette solution offre enfin l’absolution par la destruction.

Article publié dans ZOO Manga N°11 Janvier-Février 2023

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